CHAPITRE 7

L’ANTHROPOLOGIE MUSULMANE

1. LA NATURE DE L’HOMME

Selon le professeur Loutfi Lévonian, éminent islamologue, l'une des différences fondamentales entre la religion islamique et la foi chrétienne consiste en leurs conceptions anthropologiques respectives. On s'accorde pour dire qu’Adam transgressa le commandement divin et fut puni en conséquence. Mais selon la doctrine musulmane, à la suite de sa transgression, il n’y eut pas d'altération dans la nature d'Adam. Même après cette transgression, il était capable d'obéir à Dieu. Ses descendants n'ont pas subi le mal dont il se rendit coupable. Ils étaient capables d'obéir à Dieu s'ils savaient ce qui leur était demandé, et s'ils avaient été suffisamment encouragés. Ils n’étaient pas pécheurs par nature, mais plutôt des créatures faibles et ignorantes. Ils manquaient non d'un Sauveur, mais d'un guide et d'un maître qui leur donnât les commandements divins et les avertit des conséquences funestes de la désobéissance. Ainsi, dans sa compassion, Dieu leur a envoyé des prophètes pour les avertir, les instruire et les guider sur la bonne voie.

L’anthropologie chrétienne confesse que l'homme a été créé à l'image de Dieu, non pour être son esclave, mais pour devenir son fils. Adam, par sa faute, a entraîné sa propre chute et celle de la race humaine tout entière, sa nature spirituelle a été radicalement altérée. Il s'est asservi au péché, ses descendants ont hérité d'une nature entachée de péché. Dès lors, Adam et ses descendants ne pouvaient plus accomplir le commandement divin. Ce dont ils avaient le plus besoin n'était pas tant l'instruction que le renouvellement de leur esprit. Ils se sont aliénés Dieu; rebelles, il fallait une réconciliation, l'Agneau de Dieu qui devait mourir et expier la transgression. Il fallait un Sauveur divin. Pour répondre à ce besoin, le Fils de Dieu s'incarna, subit la passion, mourut et ressuscita. Le pécheur qui croit en lui est né de nouveau et redevient l'enfant adoptif du Dieu Créateur et Rédempteur.

La controverse théologique entre l'Islam et la foi chrétienne a été principalement centrée autour de la doctrine de Dieu, de la divinité du Christ et de l'autorité des Ecritures, ce qui est certes de toute première importance; malheureusement, l'anthropologie a été presque complètement mise de côté.

Les grandes lignes de la théologie musulmane comparées à l'anthropologie biblique ne disent mot au sujet de la conception de l'homme. Ailleurs, si on en trouve des vestiges, l'explication se fait de manière inadéquate. Car la foi chrétienne diverge de l’Islam également par rapport à l'anthropologie. On pourrait excuser cette lacune chez des apologètes chrétiens en arguant que la doctrine de Dieu est essentielle et qu'elle implique forcément la doctrine de l'homme. L’excuse ne nous paraît pas convaincante. La doctrine de Dieu et de l'homme sont intimement liées, bien que non confondues. Par ailleurs, il nous faut nous rappeler que la première exerce son influence sur la seconde et la façonne totalement. Pour cette raison même, la doctrine chrétienne de l'homme ne sera jamais perdue de vue. Selon la foi chrétienne, il existe une analogie entre Dieu et l'homme, analogie qui sera comprise par la foi et non d'une manière naturelle, comme s'il se fut agi d'une équivalence physique (la célèbre " analogia fidei " et non la " analogia entis " des catholiques romains). Dieu et l'homme sont étroitement associés. Entre les deux, une alliance est conclue, celle des oeuvres, et plus tard, celle de la grâce.

L’homme racheté et réconcilié est également adopté par Dieu comme son enfant grâce à. la médiation du Christ.

La transcendance de Dieu trouve son équivalence, si contrepartie, en son immanence. Dieu est présent, il est proche, il voit, il s'incarne en son Fils, de sorte que la révélation de Dieu n’a rien d'abstrait, mais devient une révélation et une expérience nullement étrangères l'une à l'autre. Si la divinité et l'humanité avaient été deux entités exclusives, Dieu n'aurait pu pénétrer la réalité temporelle humaine et l'incarnation serait une foncière impossibilité. Si Dieu et l'homme avaient été totalement différents, la communion entre eux serait impensable; or, cette communion intime est le noyau même de toute expérience chrétienne. La révélation du Dieu transcendant implique l'immanence de Dieu parmi les hommes. Comment Dieu pourrait-il se révéler à l'homme si celui-ci n'est pas capable même de recevoir sa vérité? Ainsi que le déclarait Nicolas Berdyaeff, une transcendance logique poussée à ses conclusions extrêmes dénie toute possibilité même de vie religieuse. Le fait même de la possibilité de vie et d'expérience religieuse présuppose un certain degré d'immanence divine. Dieu est Esprit, mais avec une personnalité dynamique et active; l'homme aussi a une personnalité, de sorte que Dieu et l'homme peuvent entretenir une mutuelle communion. Dieu n'est pas une substance isolée et immuable, mais Esprit; il est amour, aussi peut-il entrer en rapport personnel avec l'homme. En ce sens-là, la foi chrétienne est une religion de l'Esprit. Elle confesse que Dieu et l'homme sont liés et que Dieu est la source de toute vie spirituelle qu'il offre à l'homme.

Une telle pensée est étrangère au monde musulman. Ici l'homme n'a pas été créé à l'image de Dieu; Dieu et l'homme appartiennent à des catégories étrangères, irréconciliables. Aucune parenté d'aucun degré n’existe entre Dieu et l'homme, sa créature. Il n'existe rien de semblable à Dieu, pas plus l'homme qu’une autre création. Les rapports entre lui et l'homme sont de nature purement légaliste. Dieu a commandé certaines choses et l'homme lui doit obéissance. Dieu a le droit de le mettre à mort ou de le ranimer. Il est tout-puissant pour agir envers l'homme tel qu'il veut. L’homme est créature de Dieu comme le sont ses autres créations, telles que les pierres, les plantes ou les animaux, quoique placé sur un niveau supérieur. Il n'existe point de relation personnelle entre Dieu et l'homme. La révélation n'est qu'un acte merveilleux de la part de Dieu, mais pas celui de sa condescendance. Naturellement, l'Islam rejette la divinité du Christ, car celle-ci et la personnalité humaine ne sauraient s'unir en une même personne. Si nous creusions davantage la pensée musulmane, nous découvririons au fond dans cet enseignement la conception sémitique de l'esprit selon laquelle celui-ci est matériel, ou bien une substance semiphysique. C'est là un trait fondamental de l'esprit musulman, extrêmement significatif pour bien comprendre leur religion. C'est la conception particulière de l'esprit dans l'Islam qui est à la base de la foi en Dieu, et la révélation est le fait d'un christianisme totalement étranger et énigmatique à l'esprit musulman. Le musulman ne peut comprendre l'enseignement biblique relatif à Dieu parce qu'il adhère à une conception non spirituelle de ce qui est spirituel. Telles sont les expériences vécues de nombreux missionnaires et théologiens qui ont été en relation avec l'Islam.

L'expérience vérifie cette constatation. Le musulman ne peut comprendre la doctrine biblique et chrétienne de Dieu parce qu'il a une conception non-chrétienne de l'esprit de l'homme et de l'homme en tant qu’être spirituel. L’esprit est à ses yeux une espèce particulière de substance légère, en d'autres termes, il appartient au domaine du physique. Il est propre à l'homme, non à Dieu. Il est évident que la conception musulmane de l'esprit n'est nullement spirituelle au sens chrétien, ce qui explique que le musulman ne comprendra jamais l'idée chrétienne.

La pertinence de cette constatation pour l'évangélisation est évidente. L’évangéliste chrétien a commencé à un mauvais point qui n'est pas le plus sensible. Il aurait fallu commencer avec l'idée de l'homme, et ensuite seulement de Dieu, parce que nous savons de manière plus immédiate ce qu’est l'homme et son expérience.

L’évangéliste chrétien a commencé par en haut en négligeant le fait que Dieu et l'homme sont en relation. Il a affirmé la divinité du Christ, mais il a sous-évalué son humanité. Il a négligé de prendre au sérieux la principale difficulté, que l'homme est libre en tant qu'être spirituel, mais qu’il peut aussi déchoir, bien qu'il puisse recouvrer sa capacité spirituelle grâce à l'intervention de l'Esprit divin, nonobstant qu’il ait été un rebelle. Une diversité d'opinions parmi les missionnaires chrétiens cherche à savoir si le message devrait être d'abord théologique ou bien moral. Poser la question de cette manière rend peu de justice au point de vue névralgique qui sépare les deux religions.

Le message chrétien devra être à la fois doctrinal et moral pour devenir intelligible au musulman. C'est là notre problème principal. Pour une bonne approche, la conception de ce qui est spirituel devra être christianisée. Tout d'abord, nous devons avoir une conception correcte de l'esprit et de ce qui est spirituel, de sorte que Dieu et l'homme puissent s'unir et établir une communion permanente.

Ce qui est chair naît de la chair, et ce qui naît de l'esprit est esprit. Commençant de ce point de départ et établissant la réalité du spirituel contre le charnel, nous pourrons comprendre les aspects profonds de notre foi pour mieux la communiquer aux musulmans.

2. LA PLACE DE LA FEMME DANS L’ISLAM

C'est avec un certain étonnement qu’on lit sous la plume de femmes musulmanes les lignes que nous reproduisons ci-dessous relatives à des idées occidentales préconçues au sujet de la femme musulmane! Nous les offrons au début de ce paragraphe à titre d'information.

" L’image que l'Occident se fait des femmes musulmanes et de l'Islam en particulier est souvent assez défavorable. Certes, on ne peut nier que l'occidentale est en avance sur la musulmane sur bien des points, mais la faute n'en est pas à l'Islam. Des siècles d'obscurantisme et de mauvais gouvernements ont réussi à ternir presque complètement l'ancienne gloire de l'Islam. Il a fallu à l'occidentale des siècles pour atteindre la position que la femme musulmane a connue très tôt.

Le voile, par exemple, est un emprunt: l'Islam n'oblige pas la femme à dissimuler sa face, ses mains et ses pieds. Dans les premiers temps de l'Islam, les mariages se faisaient beaucoup plus librement et ouvertement que certains mariages actuels arrangés; heureusement, ceux-ci sont en train de disparaître du fait que la plupart des jeunes musulmanes abandonnent le voile.

Les harems sont une autre institution qui ne correspond plus à notre temps et à notre manière de penser. L’instruction, la vie sociale ainsi que certains facteurs économiques contribuent à rendre la vie conjugale beaucoup plus heureuse, et beaucoup plus proche également des intentions du Coran. De nos jours, la musulmane n'est plus confinée dans sa maison et ses activités ne se limitent plus à l'entretien du ménage et aux soins des enfants, encore qu’elle croie fermement que son devoir le plus sacré est d'être mère et épouse. Les musulmanes d'aujourd'hui peuvent atteindre un haut degré d'instruction et pratiquer la profession de leur choix. La femme est représentée dans pratiquement toutes les professions. Si certaines musulmanes sont encore peu évoluées, la faute n’en est pas à l'Islam, mais bien plutôt à des causes générales telles que l'ignorance, la pauvreté, l'analphabétisme, etc. Lorsque ces causes auront disparues, la femme s'épanouira sous la protection de l'Islam, système remarquable qui permet une société heureuse et bien ajustée." (21).

Pour notre part, disons ce qui convient parfaitement à cet endroit: " Inshallah! "

Les penseurs et écrivains islamiques, quant à eux, citent souvent le Prophète qui aurait déclaré:

" Si je devais donner l'ordre à une personne de se prosterner devant une autre, j'exigerai de la femme qu'elle se prosterne devant son époux à cause de la magnitude de ce qu'elle lui doit et de ce dont elle lui est redevable. "(22).

Ce même auteur rappelle qu'actuellement le monde musulman compte près de quarante Etats dont la population atteindra bientôt le milliard; il serait alors nécessaire de rédiger des dizaines de volumes pour exposer la situation de la femme dans tous ces pays sous régime islamique. En outre, leurs vies sont affectées par des critères variés de classe et d'éducation, par la secte à laquelle elles appartiennent, par le type de gouvernement de leur pays. La moitié de ces Etats sont arabes, et c'est dans ces pays-là que la cause des musulmanes suscite dans d'autres pays le plus grand intérêt. Il est possible et légitime de généraliser sur la femme musulmane arabe. Même ainsi, pourtant, la qualité de leur vie connaît une très grande variation d'un pays et d'une région à l'autre. Nous rendons compte dans le présent paragraphe de certains principes et pratiques qui sont courants dans l'attitude des musulmans envers la femme.

La société arabe ou musulmane a témoigné d'une vision stéréotypée de la femme, vision extrêmement rigide d'après nos normes occidentales, une vision qu'il convient de qualifier d' absolument non fondée, en dépit de l'optimisme des femmes auteurs des lignes citées plus haut (ces femmes auteurs et leur vision font-elles encore partie de l'Islam?). La structure sociale de ces sociétés impose à la femme un rôle et une position qui ne sauraient varier du fait qu’une modification de leur statut abattrait les piliers mêmes patriarcal, familial, tribal sur lesquels s'élève l'ensemble de la société musulmane.

A première vue, le Coran ne semble pas comme tel hostile à l'égard de la femme; cependant, il la regarde de haut, lui offrant le genre de protection paternaliste que l'homme supérieur offrirait à l'orphelin, aux débiles mentaux et aux citoyens de second ordre. Le Coran écrit dans la sourate 24: " Et dites à la femme non-croyante d'abaisser son regard et d'être modeste, de manifester de son ornement ce qui est seulement apparent et de baisser le voile sur son sein pour ne révéler ses ornements qu'à son époux ou à ses familiers (ou même à des serviteurs qui sont privés de leur virilité, les eunuques). " Le livre sacré déclare de manière fort explicite que l'homme est supérieur à la femme, exhorte la femme à se soumettre à son mari et conseille à l'homme de battre ses épouses et des les envoyer à leurs lits si elles se comportent mal ou n’obéissent pas.

Il rend également clair que l'acte sexuel a un caractère mâle et unilatéral. L’être humain est donc l'homme mâle! La femme, elle, appartient à une catégorie dont la dimension humaine reste ambiguë. Elle n'est définie qu'en termes de sa fonction sexuelle. Comme entité, elle est terre, elle est propriété foncière, elle est inerte.

Dès leur plus jeune âge, les filles apprennent à obéir. Un garçon peut respecter la femme qui appartient à sa famille, mais il méprisera toute femme qui n'appartient pas au groupe familial qui est le sien, à moins qu'elle soit destinée à l'épouser. En ce qui le concerne, toute femme non voilée est une femme qui délibérément s'offre au mâle, par conséquent, elle fera l'objet de mépris. Tout mâle ne respectera que les mères ou les femmes âgées. Durant toute son enfance, il apprendra que la femme n'existe que pour le service et le plaisir de l'homme mâle. L’obsession pour la chasteté féminine qui hante le mâle arabe fait courir un grave danger à toute femme, si elle venait à commettre la moindre erreur. Il est étonnant, voire ironique, que selon l'Islam la femme n’est pas seulement sexuellement plus désirable que ne semble être la femme occidentale il y a quelques générations, mais qu'elle soit encore plus passionnée que l'homme! La majorité des musulmans regardent la femme comme étant la chasseresse et l'homme la victime passive de son ardeur. Les besoins sexuels supposés font de la femme le symbole de la déraison, du désordre, de ce qui est une force naturelle anti-divine, disciple ou suppôt du diable. Cette idée de la femme se fonde sur l'idée selon laquelle la femme jouirait d'une plus grande capacité sexuelle, à moins qu'elle ne remonte à la malheureuse expérience du Prophète avec ses nombreuses épouses et concubines.

Quelle que soit l'origine d'une telle idée de la sexualité féminine, elle est considérée comme étant tellement puissante qu’elle constituerait un réel danger pour la société. Simultanément, la civilisation islamique tient beaucoup à la satisfaction sexuelle et considère la femme non-restreinte comme le défi le plus dangereux lancé aux mâles cherchant à se soumettre aux commandements d'Allah; car c'est bien lui qui porte le plus grand fardeau de l'obligation du devoir religieux.

Or, les ardents désirs de la femme, ainsi que son irrésistible attrait lui donneraient un pouvoir supérieur sur l'homme, rivalisant avec la puissance d'Allah. Laissés à eux-mêmes, les hommes succomberaient aux femmes et abandonneraient Allah. Deux menaces sont envisageables pour la société musulmane, écrit un auteur marocain: l'infidèle de l'extérieur et la femme de l'intérieur. I1 poursuit: " La totalité du complexe social peut se voir comme une défense contre le pouvoir disloquant de la sexualité féminine. " On comprend qu’à l'heure actuelle les restrictions portées à l'activité sexuelle soient motivées davantage par des considérations de préservation de la société que par souci envers l'ordre moral. I!existence du musulman témoigne d'une dimension politique divisible dans les rapports entre les deux sexes.

La civilisation musulmane pense que la femme séduira tout homme disponible. Cette pensée structure la société pour empêcher que cela ne se produise et, pour y remédier, elle crée des espaces séparés pour réduire le contact entre l'homme et la femme. Selon la Sharia, un homme et une femme qui se trouvent ensemble en privé seront soupçonnés d'avoir eu des rapports sexuels. Il faut prévenir de telles situations. Les musulmans qui ne pourraient maîtriser leur sexualité ne doivent même pas la tenter. Aussi la séparation physique des sexes caractérise la vie quotidienne du monde musulman. Tout homme et femme considérés comme étant mutuellement attirés seront séparés. La société islamique encouragera donc les femmes à rester à l'intérieur du foyer. Elles ne doivent sortir que pour des raisons spécifiques, acceptables aux hommes telles que les courses ou la visite à des proches. L’idéal serait que celle qui jouit d'une situation aisée et possède des domestiques la rendant capable de rester à l'intérieur le fasse pendant des dizaines d'années. C'est la pire forme de réclusion qui puisse exister, tout en n'étant pas qualifiée comme telle. L’homme qui peut bénéficier d'un tel avantage gardera la femme à la maison. Dans certains pays, ce sont les hommes qui achètent les vêtements et même les sous-vêtements des femmes de la famille. On a constaté que, de toutes les grandes civilisations de l'histoire, c'est la civilisation musulmane arabe qui compte la plus grande proportion de femmes illettrées, le plus bas niveau de scolarité pour filles et, parlant de manière générale, le plus petit nombre de femmes employées.

Qu’ils soient conservateurs ou progressistes, les musulmans considèrent le mariage comme la plus importante des institutions sociales. La valeur sociale et religieuse d'une vie de famille est fortement soulignée. Bien que l'homme musulman puisse avoir quatre femmes, la polygamie est pratiquée par moins de quatre pour cent des populations musulmanes. Le Coran permet de prendre d'autres femmes seulement dans des circonstances spéciales, tels que lorsqu'une veuve n’a pas les moyens de subvenir à ses besoins ou bien lorsque la femme devient physiquement ou mentalement handicapée. Si un mari a épousé plus d'une femme, il lui est légalement exigé de les traiter avec équité.

La femme est l'adversaire de l'homme. Celle qui outrepasse sans cesse les limites de l'espace du mâle est par définition une ennemie. Elle n'a aucun droit de se servir de l'espace masculin. Si elle s'y aventure, elle y sème le désordre et apporte le trouble de l'esprit. En réalité, elle commet un acte d'agression simplement par sa présence; elle dérange l'ordre traditionnel d'Allah en incitant l'homme à tomber dans la fornication. L’homme, quant à lui, aura tout à perdre d'une telle rencontre; la paix de l'esprit, la détermination de soi, l'allégeance à Allah, le prestige social.

3. PRISONNIÈRES DU VOILE

Muhammad avait interdit à ses épouses de sortir sans voile, ainsi l'exemple donné prit force de loi. Actuellement, cette coutume varie d'un lieu à un autre; à certains endroits, le voile couvrira la femme de la tête aux pieds; ailleurs, il ne couvrira que légèrement la tête. Des efforts pour abolir cette coutume ont été entrepris dans plusieurs pays par ceux qui sont préoccupés par les droits de la femme et, de nos jours, dans la plupart des grandes villes, la majorité des femmes peuvent sortir dans la rue sans porter de voile. Cependant, dans les pays conservateurs ou, ainsi qu’on a pris l'habitude de les appeler dernièrement, les pays intégristes, l'usage y est très strictement observé.

Le voile est l'un des symboles clés de la position de la femme dans le monde musulman. Nombre d'autres sociétés ont voilé leurs femmes, mais dans les temps modernes, la pratique est conservée en terre d'Islam, excepté pour les Kurdes. La sévérité avec laquelle le voile se porte varie (tchador,foulard,...). Dans certains pays, la femme portera seulement ce qui est connu comme voile islamique ne cachant que la face, sans la couvrir entièrement, mais uniquement la chevelure. Elle portera également une longue robe couvrant les bras et les jambes, sans pour autant restreindre les mouvements.

Le voile c'est l'invisibilité de la femme dans la rue. Même la maison est conçue de manière à ce que la femme n’apparaisse pas sur le chemin de l'homme. La majorité des maisons musulmanes dans le monde islamique possèdent des murs extérieurs et des fenêtres sur les cours intérieures pour préserver l'intimité. A l'intérieur, le harem sépare les femmes des aires qui sont habituellement fréquentées par les hommes.

Si des contacts occasionnels entre une femme non mariée et des hommes menacent l'ordre, le danger équivalent parmi les partenaires mariés est l'amour romantique. D'ordinaire, une femme amoureuse est traitée avec le plus grand soupçon et d'ordinaire elle passera pour immorale. Quant à un homme épris passionnément de sa femme, il pourrait négliger ses devoirs envers Allah. Pour prévenir ou empêcher cela, la vie islamique décourage des liens affectifs trop forts entre époux et épouse. Ceci se fait aisément en séparant leurs intérêts respectifs. L’homme s'occupera de religion et de travail, tandis que la femme se vouera aux travaux du ménage et à l'éducation des enfants.

Elle ne se mettra pas à table avec son mari, ni ne l'accompagnera au dehors; le couple ne passera pas du temps ensemble avec les enfants. Le pouvoir du mari sur la femme aboutit à une relation déséquilibrée et, souvent, elle est plus sa servante que sa compagne. Il peut divorcer sans le lui notifier et épouser une autre femme sans l'avertir. En elle-même, la polygamie réduit même la possibilité du développement d'un simple lien affectif.

Pareillement, les mariages arrangés, particulièrement entre des hommes âgés et des jeunes filles, réduisent la possibilité de compagnonnage. On a noté que les relations entre mère et fils empêchent le développement d'une relation affectueuse entre mari et femme. Car à son tour, l'épouse porte toute son affection sur son fils pour compenser l'absence d'affection de l'époux.

Puisque les garçons et les filles, les hommes et les femmes ne peuvent vivre ensemble de manière normale, le mâle musulman, et spécialement l'Arabe, vit dans un état de perpétuelle excitation sexuelle. Ceci, d'après les observateurs les mieux avertis des moeurs musulmanes, ne manque pas d'aboutir à l'homosexualité.

La femme est sans pouvoir dans le mariage. Le mari exerce sur elle une domination aussi bien physique que psychologique. Il sera souvent d'une extrême violence envers elle. Les femmes battues sont nombreuses, bien que le Coran considère la violence physique comme terrain et motif valable de divorce. Si l'homme peut sans peine divorcer, la femme, elle, aura beaucoup de peine à l'obtenir. Elle ne peut pas entreprendre d'action légale contre son mari, mais devra mener celle-ci à travers son gardien mâle, un père, un frère, un oncle ou un cousin. Elle ne peut ni voyager à sa guise ni travailler. Une fille dépend de son gardien pour se marier et, dans nombre de cérémonies musulmanes de mariage, ce ne sont pas l’homme et la femme qui prononcent les voeux entre eux, mais deux hommes, l'époux et le père de l'épouse. Le gardien peut annuler un mariage si la femme n'a pas pris son avis et s'est mariée sans son consentement. La femme n’épouse pas dans la société musulmane, c'est le " wali ", le mâle, soit son père soit un autre protecteur légal, qui la donne en mariage.

Une femme qui montre un quelconque intérêt pour le succès sexuel de son mariage sera suspecte aux yeux de son mari, plus particulièrement durant les premiers jours de son mariage. Lorsque la jeune épouse est conduite à la chambre nuptiale, le seul conseil prénuptial que sa mère lui donnera est d'ordinaire celui de se faire docile et surtout de ne pas bouger, autrement le mari pourrait penser qu’elle a déjà été avec un autre homme.

L’Islam sunnite ne reconnaît que deux formes de " talak ", ou de répudiation, ce qu'en Occident on appelle divorce. Dans la première, le mari n’a qu’à prononcer devant témoin la simple formule de répudiation. Cependant, le divorce ne devient effectif qu’après une période correspondant à trois cycles menstruels; si la femme est enceinte, ce sera après la naissance de l'enfant. Le mari peut également choisir la formule à trois reprises dans des mois successifs.

L'autre formule est le " talak al bid'a ". Le mari répète simplement la formule de répudiation trois fois devant un témoin mâle pour que le mariage soit immédiatement et définitivement annulé. Il n'a même pas besoin d'annoncer à sa femme la décision qu’il a prise.

En dépit des précautions prises par la Sharia pour protéger la femme divorcée, l'inégalité fondamentale entre les droits des hommes, qui sont absolus, et ceux des femmes, pratiquement inexistants, a conduit nombre de pays arabes à légiférer pour tenter de réformer une situation primitive. Les femmes divorcées ou veuves ont la garde des enfants seulement pour une courte période, avant que ceux-ci ne soient automatiquement placés sous la protection du père ou, dans le cas d'une veuve, celle du parent le plus proche. Une fois que les enfants lui ont été enlevés, la mère a peu l'occasion de les revoir. Toujours selon la Sharia, la valeur du témoignage d'une femme devant une cour de justice est de moitié seulement par rapport à celui de l'homme.

Nous avons déjà dit que la polygamie est permise en islam. Muhammad a donné l'exemple en prenant au moins douze femmes et deux concubines, quoique le Coran en limite le nombre pour les autres fidèles à quatre femmes seulement (voir sourate 4:31). Néanmoins, on est autorisé à épouser plus d'une femme à condition de se comporter envers elles avec justice et équité. Des musulmans désirant harmoniser la pratique islamique avec les usages modernes soutiennent qu’en réalité le Coran recommande la monogamie, car l'homme n'est pas capable de traiter équitablement plus d'une femme. Aussi, le coût élevé de la vie moderne rend la polygamie difficile, car il faut subvenir aux besoins de plusieurs épouses et/ou concubines. Quelle qu'en soit la cause, il semble qu’iactuellement il y a moins de polygames qu'autrefois. Dans certains pays, la polygamie est considérée comme illégale, sauf dans des circonstances particulières.

Comme nous l'avons déjà signalé, selon la loi musulmane, le droit de divorce appartient à l'homme seul, et celui-ci peut divorcer d'avec sa femme n'importe quand pour n’importe quel motif, même le plus trivial. Dans ce domaine, des femmes musulmanes ont accompli un effort considérable et courageux pour protéger leurs droits. Dans ce domaine comme dans plusieurs autres, la foi chrétienne a exercé une certaine influence sur les attitudes de nombreux musulmans.