CHAPITRE 5

ÉLÉMENTS DE THÉOLOGIE MUSULMANE
la religion islamique

Aucun credo religieux n’est aussi fréquemment récité et aussi familier, même à des non-musulmans, que le célèbre " la ilaha illa Allah; Muhammad rasul Allah ", " il n'y a de Dieu qu’Allah, Muhammad est son Prophète ". Cinq fois par jour, des millions de musulmans dans le monde entier se mettront à genoux pour réciter ce credo.

Jadis on appelait improprement les musulmans des " mahométans ". Mais la religion de Muhammad s'appelle " Islam " qui, nous l'avons vu, signifie soumission; son adepte est un musulman ", c'est-à-dire " celui qui se soumet ".

Il n’est guère possible au chrétien de communiquer l'Evangile au musulman sans prendre connaissance des principales doctrines et pratiques religieuses de l'Islam. Le présent chapitre s'efforcera d'offrir un aperçu sur ce qui nous apparaît être les éléments principaux de la théologie islamique.

1. LA MOSQUÉE ET LA THÉOLOGIE

Commençons par l'examen du signe le plus visible de la pensée théologique musulmane: la mosquée. La mosquée, de l'arabe "masdjid", est l'édifice du culte musulman. Le terme est la décalque moderne d'un vieux mot latin du Moyen Age, " moschet", ou bien de l'italien "moschete", eux-mêmes dérivés de l'arabe "masdjid". La mosquée est premièrement une maison de prière. "Prière" est un mot auquel on est habitué, mais il est impropre: la prière rituelle est un acte d'adoration de la divinité, à laquelle il serait malséant d'adresser une requête. Dans la mosquée, la prière est présidée par l'imam et, afin que tous les assistants puissent le voir, les rangs des fidèles se développent en largeur avant de s'échelonner en profondeur.

En effet, les personnes présentes répètent en même temps que l'imam la formule consacrée, se prosternent, s'inclinent, sont assises ou debout, ce qui est un rite comportant invariablement la prière musulmane.

Ces faits ont influé sur le plan architectural même de la mosquée. Celle-ci était jadis édifiée suivant les tendances régionales, comportant des plans variés, quoiqu'il n'en existe pas moins un type général. Le bâtiment est clos par des murailles, soit aveugles, soit percées de fenêtres; ces dernières jouent un rôle décoratif, l'éclairage étant assuré principalement par le côté de la cour intérieure.

On distingue des mosquées de quartier, des mosquées principales (" djami "), dite " grandes mosquées " ou " mosquées cathédrales ", dans lesquelles se fait la prière solennelle du vendredi, pourvues de " m’mbar ". La première mosquée, construite à Médine en 622, en fait la demeure même de Muhammad, occupait un vaste espace entouré de quatre murs. Le long de ces murs, le Prophète a fait aménager un toit plat, soutenu par des troncs de palmier, pour mettre les fidèles à l'abri du soleil pendant la prière.

Dans sa simplicité, ce premier lieu du culte comportait déjà deux éléments essentiels de la mosquée : l'oratoire, salle hypostyle, plus large que profonde, adaptée à l'ordonnance des fidèles rangés pour l'oraison collective, et la vaste cour, sur laquelle s'ouvre cette salle. Le "mihrab", niche d'orientation dans le fond de la salle, indique La Mecque. Celle-ci est parfois rappelée par une arcature dans la cour, qui peut être lieu de prière comme l'est la salle elle-même.

La cour, élément essentiel de la mosquée, pourrait avoir une double origine: la volonté de rappeler les premiers lieux de prière commune (au début, les fidèles se rassemblaient face à la lance de commandement, à l'extérieur des murailles de la ville), ou bien simplement la conséquence du climat de l'Orient, qui incite à la vie en plein air, ainsi que l'attestent les demeures particulières qui possèdent aujourd'hui une cour (15).

L’originalité majestueuse de la mosquée est due à la splendeur du décor superbement tissé dans les murs et à la pureté des dômes façonnés, prétend-on, pour la plus grande gloire d'Allah. Un minaret sert à appeler les fidèles à la prière.

La bassine tient un double rôle important: d'ordre rituel, servant à l'ablution traditionnelle; d'ordre esthétique, servant de miroir pour les façades, et créant ainsi une symétrie dans l'espace, qui engendre un incomparable souffle de majesté.

Toutes les mosquées possèdent un aspect commun; l'existence d'une fontaine monumentale au centre de la cour extérieure pour l'usage des ablutions rituelles. D'autres aspects communs incluent des profusions de colonnes faites de bois ou de pierre; un arc spécial qui projette et se repose sur les colonnes aux chapiteaux; des stalactites utilisées sous forme de cellules d'abeilles. C'est un procédé original qui est spécifiquement arabe et permet de passer de la forme quadrangulaire à celle du cercle et de faire reposer le dôme sur la base du rectangle.

Au temps du Prophète, les femmes pouvaient fréquenter les prières publiques dans les mosquées, mais restant derrière les hommes. Il existe cependant une tradition selon laquelle (selon Muhammad) il était préférable aux femmes de rester au foyer. Beaucoup de mosquées ont une partie réservée aux femmes qui veulent y prier. C'est un coin isolé et plutôt sombre, marqué par de hautes grilles de bois sculpté. Les musulmans estiment que la prière est une affaire trop sérieuse et importante pour que les femmes s'en occupent! En tous les cas, la vue d'une femme dans une mosquée risquerait de distraire les hommes de la pratique de leurs dévotions...

Comprendre le rôle de la mosquée, c'est saisir le point focal, la source même du pouvoir, le lieu de rassemblement de toute communauté islamique. L’Islam, nous l'avons vu, est une religion résurgente, forte, parfois agressive, voire féroce, bâtissant des mosquées aux fonctions diversifiées pour des communautés vivant là où il y en avait encore peu et où elles étaient quasiment inconnues. Un certain nombre d'édifices jadis au service d'Eglises chrétiennes sont actuellement transformés en mosquées. Quel est le rôle profond de celle-ci, outre d'être le lieu de la prière rituelle?

L’architecture de la mosquée est fascinante, reconnaissons-le, en dehors de toute considération missionnaire et sans porter un jugement de valeur; elle exerce un très grand attrait. Pourtant, des rituels bien malaisés à accepter par nous s'y pratiquent de manière monotone, jour après jour. Les traits extrêmes, extrémistes, il conviendrait mieux de dire, de l'Islam seront mieux compris à la lumière du sens et de la fonction de la mosquée, comme sera compris le large éventail d'activités rituelles qui s'y déroulent. Ce qui aujourd'hui y semble pacifique, demain peut dégénérer en agressivité, voire en violence. La prolifération des mosquées est une preuve éclatante qui démontre que nous vivons un temps unique pour le christianisme occidental, que l'Islam est en train de nous lancer un prodigieux et même un redoutable défi qu’il faut relever. Quelle sera la réponse, voire la réaction, que nous lui opposerons? Nous avons appris que chaque aspect, chaque facette de l'Islam possède un parallèle chrétien, parallèle qui existe depuis nos origines. Pour commencer, et sans tarder, il faudrait se rendre compte que l'expansion de l'Islam, consolidée par l'édification des mosquées, est le sûr indice que la lumière des Eglises chrétiennes vacille et que faiblit la flamme de la foi chez les occidentaux jadis christianisés.

Rappelons aussi qu'Eglise chrétienne n'est pas synonyme d'un édifice appelé soit chapelle soit temple. Selon l'Ecriture, l'Eglise est essentiellement un organisme vivant, le peuple des fidèles. Il faut souligner ce fait et prendre garde à ne pas comparer l'Eglise avec la mosquée.

Même comparées, tels quels, ce sont des bâtiments totalement différents, qui témoignent de l'antithèse radicale de la religion qu'on professe. La seule véritable similarité consiste en leur matérialité, mais pas plus. L’usage de l'une est aux antipodes de celui de l'autre. Même le décor intérieur et l'ameublement témoigneront de profondes divergences philosophiques, culturelles, religieuses, entre la foi chrétienne et la religion islamique. Ces différences ne sont pas toujours perçues par des chrétiens, peu d'entre eux ayant eu l'occasion de pénétrer dans une mosquée, et encore moins la possibilité d'étudier la religion qu’elle représente.

Dans la vie musulmane, la mosquée est, outre le lieu des rassemblement pour la prière rituelle, le centre d'activité communautaire par excellence. Tel n’est pas le cas pour la majorité des églises, les chrétiens ne la fréquentant qu’à des heures fixes de la semaine, en dehors desquelles l'édifice peut rester fermé, au moins en ce qui concerne les temples ou les chapelles protestants. La mosquée, elle, constitue le noyau de l'existence et des activités politique, éducative, sociale et culturelle musulmanes.

Muhammad avait été aussi bien prophète que soldat, homme et chef d'Etat, fondateur d'empire; ses disciples furent soutenus par la foi en l'approbation divine, laquelle, croyaient-ils, se manifestait dans leurs éclatants succès et les victoires décisives qu'ils remportaient. L’association entre la religion et le pouvoir, la communauté des fidèles et le gouvernement, se voit clairement dans le Coran. Une conséquence en est que, pour l'Islam, la religion ne couvre pas seulement un secteur de la vie. Elle s'adresse à la vie dans sa totalité, elle est une juridiction totale; aussi la religion et la cité y forment un seul organisme. Ce thème revient souvent dans les sermons prononcés dans les mosquées.

Par conséquent, le rôle que la mosquée tient est multiple. Celle du Prophète à Médine était devenue, déjà, le centre de la première communauté islamique. La mosquée ne sert pas seulement de lieu d'adoration, mais d'institution éducative, de cour de justice, d'assemblée politique. A partir d'ici, le Prophète et ses disciples établiront une société selon l'enseignement de l'Islam.

L’architecture de la mosquée en a été le premier message, le plus caractéristique et le plus spectaculaire. Sa magnificence est fascinante et son originalité et l'élégance de sa décoration admirables en tant que centre et symbole de la vie religieuse, c'est-à-dire que le fidèle y priera et se prosternera devant Allah.

La prosternation lors de la prière n'est pas, comme on le pense souvent, une institution musulmane. Elle est essentiellement d'origine orientale, marquant l'attitude du suppliant envers son prince ou son souverain et, naturellement, elle a passé et a été adoptée par les religions orientales.

L’architecture de la mosquée n’est pas conçue pour offrir un cadre confortable à l'auditeur ni comme cadre liturgique à un simple drame religieux. Elle a été créée en vue de la discipline.

Depuis que l'Islam est devenu plus militant et agressif, la mosquée et les offices qui s'y célèbrent sont devenus des centres de diffusion et de propagande. Dans certains pays islamiques, les complots contre l'autorité étatique y sont fomentés. Elle sert de sanctuaire dans lequel même la police de la sûreté intérieure hésite à s'en prendre à des conspirateurs.

2. LE CORAN

"Coran" est la transcription française de l'arabe "Qur'an", dont le sens premier est "message transmis par la parole". Pour l'Islam, le Coran est la révélation ultime et intangible de la volonté divine, laquelle abroge toutes les révélations antérieures, y compris celle de la Bible. Le Coran parle de la période antérieure, avant Muhammad, comme étant celle de l'ignorance. Cela implique que le christianisme, le judaïsme et le zoroastrisme ne jouissaient plus d'aucune actualité, étant devenus dépourvus de valeur. L’emploi du terme "ignorance" dans le Coran est péjoratif, car les trois religions que nous venons de mentionner étaient établies et bien connues. Rappelons cependant qu'en dépit de la diaspora, depuis la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains en l'an 70 de notre ère, le judaïsme avait de nombreux adeptes en Arabie jusqu’aux débuts de l'apparition de Muhammad.

Le Coran est considéré tellement important que, lors de la récitation publique dans la vie islamique, il est chanté en de lentes phrases mélodiques, dont l'art est enseigné dans les séminaires musulmans. Dans la vie islamique, l'idéal consiste à le mémoriser tout entier, ce qui est une performance religieuse de très haut niveau.

L’Islam est une religion de révélation. Dieu a parlé et a donné ses livres à ses prophètes. On dit que le nombre de ces livres serait de cent quatre. Dans le Coran, il y a des références à la Torah (de Moïse), au "Suhyf" (feuilles des livres des prophètes), au "Zabur" (psaumes de David), à "Injil" (I'Evangile de Jésus) et au "Qur'an" (le Coran) de Muhammad.

On suppose qu’Adam, Noé, Abraham et d'autres prophètes avaient leurs livres saints, mais qui ont depuis disparu. Tous ces livres avaient été la parole même de Dieu et l'enseignement qu'ils contenaient y était fondamentalement identique à celui de l'Islam. Cependant, lorsque Dieu donne un nouveau livre à l'un des grands prophètes, il abroge les précédents. Pour l'âge présent, seul le Coran est adéquat; après l'avènement de Muhammad, seuls ses commandements ont force sur les fidèles.

Le Coran n’est pas la parole ou le discours de Muhammad, mais la Parole même de Dieu. Il a été écrit depuis toute l'éternité sur des tablettes préservées dans le ciel et il fut apporté en de petits fragments à Muhammad par les soins de l'archange Gabriel pendant une période s'étendant sur vingt-deux ans. Il fut parlé à Muhammad, écrit par ceux qui l'avaient entendu et, finalement, rassemblé en un recueil qui est un peu plus grand que le Nouveau Testament. Pendant quelques années après la mort de Muhammad, il régna une confusion considérable autour de ce qui devait y être inclus. Finalement, sous le califat d'Othman (644-656), un texte établi reçut l'approbation officielle et les autres manuscrits furent éliminés.

Le Coran est immuable. Parce qu’on croit qu'il fut dans sa forme originelle arabe apporté du ciel, l'arabe est considéré comme faisant essentiellement partie de la révélation divine. On ne peut par conséquent le traduire comme on traduit d'autres livres et, jusqu'à maintenant, les musulmans sont réticents à publier des traductions de celui-ci pour des millions d'adhérents qui ignorent l'arabe.

Sa traduction est d'ailleurs une affaire délicate, car il y manque une certaine continuité de la pensée et il abonde en répétitions. Cependant, quand il est lu dans une mosquée à haute voix par un bon lecteur arabe ou à la radio, sa lecture est impressionnante pour ceux qui l'écoutent, même lorsque son contenu n'est pas compris. Selon les musulmans, le Coran est le seul miracle que leur prophète ait accompli, puisqu'il n'a pas pu en produire d'autres. Des croyants le traitent avec respect en l'enveloppant avec des couvertures et ils ne se tiendront jamais debout de manière à le dépasser par leur station verticale.

Aucun livre n'est aussi répandu dans l'Islam que le Coran. La personne du Prophète, elle, n'offre pas à la foi islamique la même importance essentielle que celle du Christ au regard de la foi chrétienne. L’importance du Coran pour l'Islam diffère totalement de celle de la Bible pour l'Eglise.

Car c'est la personne de Jésus-Christ qui se trouve au centre de la foi chrétienne; c'est à lui que la Bible tout entière porte témoignage. En général et à de rares exceptions, la Bible reste en retrait par rapport à la personne du Christ, n'assumant qu'une fonction ministérielle, de service qui lui est rendu. La Bible est moyen de grâce, mais non la grâce elle-même.

En revanche, Muhammad ne bénéficie aucunement de 1a même considération. Le Prophète arabe est subordonné au livre. Sa tâche n'a consisté qu'à transmettre les paroles d'Allah. Il n’est qu’une voix qui avertit, invite à écouter la voix divine, met en garde contre l'imminent jugement dernier. Le Prophète n’est pas l'objet de la foi musulmane. Le contenu de la foi musulmane dans sa totalité est inclus dans le Coran, dans lequel Muhammad a mis le sommaire des paroles d'Allah. Le Prophète se tiendra derrière le livre. Il n’assumera qu’une fonction de service par rapport à celui-ci; c'est le livre saint qu’il faut apprendre, car il contient tout ce qui est indispensable pour connaître Allah. Dès lors, les qualités les plus sublimes lui sont attribuées. Il est insurpassable et inimitable, incréé et éternel! Toutes les qualités que la foi chrétienne attribue au Christ, le Logos, l'Islam les attribuera au livre. Il est le fondement sur lequel repose l'édifice de la religion tout entier. Tout se tient avec lui et sans lui tout s'écroule. Celui-là seul qui se trouve en état de pureté cérémonielle est autorisé à en toucher un exemplaire. Aussi loin que le règne du calife Omar (634-644), des enfants ont dû en apprendre par coeur de larges portions.

La récitation du livre occupe une place importante dans les actes liturgiques. Dans les pays musulmans, certaines périodes des émissions radiophoniques sont réservées aux récitations du livre. Des pouvoirs magiques sont reconnus à ses paroles. Très souvent des textes sont utilisés comme des amulettes. On les rencontre dans des foyers et des édifices publics ornés avec une très grande élégance.

La loi civile doit se soumettre sans exception aux préceptes coraniques. Le musulman authentique ne peut demeurer neutre à l'égard de l'Etat : ou bien le prince et le gouvernement sont musulmans, ou bien, dans le cas contraire, il doit les rejeter, s'opposer et faire tout ce qui est en son pouvoir pour les remplacer, soit de manière pacifique, soit par voie de violence.

Parce que le Coran contient la loi de Dieu et que Dieu en personne y parle, ses déclarations sont tellement directes qu’elles n'ont pas besoin d'être interprétées. Par exemple: " Egorge les polythéistes là où tu les rencontres " (9:5); " fais la guerre à ceux qui ne croient pas, même s'il s'agit du peuple du Livre (à savoir chrétiens et juifs), jusqu’à ce qu'ils donnent leur accord délibéré de payer en reconnaissance de leur état de soumission " (9:29); " la religion avec Dieu, c'est l'Islam " (3:19); " la sédition vaut plus que le meurtre " (2:191). Voici une citation d'un auteur d'un commentaire sur le Coran:

" Le Coran est le fondement de la vie et de la culture islamiques. Si jamais un livre a transformé un peuple d'un groupe hétérogène de tribus guerroyantes en communauté civilisée, internationale, accordant une identité, façonnant leur personnalité historique et, depuis plus d'un millénaire, devenu la source principale de son inspiration, c'est bien le Livre saint. Son impact n’est pas limité aux musulmans et à leur développement culturel. il a influencé de plusieurs manières les corans de l'histoire et de la culture dans le monde entier et a pénétré la pensée et le style de vie des gens issus de traditions différentes. "

Comparés superficiellement, on risque de penser que de nombreux éléments du Coran et de la Bible chrétienne présentent des traits communs. Ces éléments ne sont pas des demi-vérités par rapport au christianisme, qui pourraient se développer et s'enrichir, ou encore contribuer à un dialogue entre les deux religions. Les deux doctrines appartiennent à des plans religieux diamétralement opposés.

Muhammad a prétendu que sa prédication était entièrement nouvelle, même lorsqu’il s'agissait d'emprunts faits à la Bible! Le Coran a donné au message central de celle-ci un sens qui lui est entièrement étranger. Une étude approfondie démontrera que la conception coranique ne peut égaler celle de la Bible. L’alliance de Dieu dans le Coran est structurellement différente de l'alliance de grâce biblique. De la même manière, la justice et la sainteté dont parle le Coran sont différentes des notions bibliques. L’image du Jésus coranique est totalement étrangère au portrait qu’en donnent les Evangiles, comme l'est aussi celle d'Abraham. La même remarque s'applique à toutes les autres conceptions bibliques.

On a prétendu que la communication avec les musulmans deviendrait plus aisée si on se servait de ces soi-disant points communs qui apparemment ne soulèveraient aucune difficulté. A vrai dire, nous devrions être extrêmement prudents avant d'affirmer que nous comprenons le Coran, parce que certains termes et expressions offrent une analogie superficielle avec ceux de la Bible. Ce n’est qu'après une considération attentive de l'information contenue dans le Coran aussi bien dans son contexte immédiat que plus large que nous jugerons de leur identité, ce qui exige une étude sérieuse et approfondie.

" A la mort du prophète, on ne se contenta pas seulement de transcrire les révélations qu'il avait reçues de Dieu par l'intermédiaire de l'ange Gabriel; en outre, on recueillit " ses propos " (" hadith "), ainsi que des commentaires sur certains passages obscurs du Coran, des conseils relatifs au culte ou des exemples de morale quotidienne. La masse des " hadith " constitue la tradition; jointe aux façons d'agir et comportement du Prophète, elle engendre la " Sunna ", c'est-à-dire la règle d'action pour imiter les coutumes du Prophète.

L’imposant ensemble des " hadith " qui compose la " Sunna " a été scrupuleusement étudié par les théologiens et les docteurs de l'Islam, les " ulémas " qui les classèrent en trois groupes: authentiques, probables, douteux...

L’interprétation du Coran s'est faite en grande partie par référence à la " Sunna " et au " hadith ". (16).

3. LA FOI AU PROPHÈTE

Dans sa miséricorde, Dieu a envoyé plusieurs prophètes à toutes les nations pour ramener les errants sur le droit chemin et pour leur annoncer sa parole. Pour certaines sectes musulmanes, le nombre de ces prophètes s'élève à 124.000, pour d'autres il atteint les 144.000. Le Coran mentionne les noms des vingt-huit prophètes dont la plupart sont des personnages bibliques. Les grands prophètes sont Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus, Muhammad. Chacun d'entre eux a été envoyé par Dieu comme son représentant auprès de tous les peuples du monde pendant une longue période. Chacun a reçu de Dieu un livre contenant des lois, aussi civiles que religieuses, pour la conduite de la vie des hommes.

Les lois données par un prophète étaient effectives jusqu’à ce qu'elles fussent abrogées par celles contenues dans le livre apporté par le suivant. Chacun des grands prophètes aurait prédit l'avènement de son successeur. Le dernier et le plus grand d'entre eux est évidemment Muhammad, le sceau des prophètes (Coran sourate 33:40). Aucun autre prophète n'apparaîtra avant le jour de la résurrection.

Les prophètes ne sont pas des êtres divins, mais des " superman ". Ils ne doivent pas être adorés. Bien que le Coran fait allusion aux péchés des prophètes, à l'exception de Jésus, on croit généralement que tous les prophètes ont été sans péché. Car, comment un pécheur pourrait-il guider d'autres pécheurs? Dieu a donné son livre non seulement aux grands prophètes, mais aussi à nombre d'autres de moindre importance. Ces livres sont également parole de Dieu, mais du fait que le Coran a remplacé toutes les révélations antérieures de la volonté divine, les lois contenues dans ces écrits antérieurs ne sont plus nécessaires et sont actuellement sans force.

Dans la sourate 7, le Coran relate la manière dont Dieu créa Adam et Eve en les plaçant dans le paradis terrestre. A cause de leur insoumission, ils en furent expulsés (selon la tradition, l'arbre défendu serait du blé!). L’Islam affirme aussi qu’un prophète ne commet pas de péché, aussi Adam ne serait pas coupable de mal, mais simplement de l'abandon de la voie supérieure. Il s'est repenti et Dieu a pardonné. Après lui, Dieu envoya successivement d'autres prophètes pour enseigner et pour avertir, dont plusieurs furent rejetés par ceux vers qui ils avaient été envoyés. Le Coran contient plusieurs récits de la vie d'Abraham, de Joseph, de Moïse et d'autres personnages de l'Ancien Testament, de même que de Zacharie et de Jean le Baptiste, ainsi que de Jésus. Certains de ces récits sont conformes aux récits bibliques, mais pas tous. Il est vraisemblable que Muhammad ait entendu certaines de ces histoires de la bouche des juifs et d'autres chez des chrétiens. Certaines sont tirées de la Bible, d'autres puisées dans des traditions orales. La connaissance que les musulmans ont des prophètes bibliques est imparfaite et, à certains endroits, complètement déformée.

Selon le Coran, Jésus aurait annoncé l'avènement d'un autre apôtre dont le nom serait Ahmad (sourate 61:6). Les musulmans estiment que c'est là la sûre prédiction de l'avènement de leur prophète, ces deux mots étant dérivés d'une racine arabe. Ainsi, en croyant à Muhammad, ils ont la certitude d'avoir obéi à l'ordre même de Jésus, tandis que les chrétiens, eux, lui désobéissent.

Pour les musulmans, Muhammad est la personnalité suprême, bien que, toujours selon le livre saint, il ne soit qu'un simple homme mortel (Coran sourate 18:110). Certains écrivains prétendent que la première chose que Dieu a créée était la lumière de Muhammad, ensuite, il aurait créé tout le reste, et ce pour Muhammad! Il fut l'homme parfait, dont l'exemple devra être suivi en toutes choses, aussi bien en ce qui concerne le manger que dans le soin porté aux cheveux, à la barbe, dans le mariage, dans le comportement envers les épouses, le rapport avec les amis et les ennemis, dans la célébration du culte, dans l'office gouvernemental, dans la manière dont on conduit une guerre... Ainsi, l'exemple de Muhammad tel qu’il est dépeint correctement ou incorrectement dans le Coran et la tradition a profondément influencé la vie de millions de fidèles de l'Islam. Certains ont atteint un caractère plus saint et plus affable encore que lui. Il semble que ceux qui imitent le Prophète ne parviennent pas tous à atteindre le niveau de sa vie morale et spirituelle.

De même que le nom d'Allah est constamment sur les lèvres de ses serviteurs, de même le fidèle prononcera celui du Prophète, dans le bazar des souks et les ruelles étroites, dans la mosquée et du haut du minaret. Les marins le chantent durant leur navigation, les coolies le soupirent en portant leur chargement, le mendiant le murmure en tendant la main pour l'aumône; c'est le cri du fidèle quand il attaque à la guerre ou quand il doit bercer l'enfant; partout, c'est le coussin du malade, le dernier mot du mourant agonisant; il est écrit sur les portes et sur les coeurs, comme il l'a été depuis toute éternité sur le trône de Dieu! Le meilleur nom à donner à l’enfant, le meilleur pour jurer, celui qui convient pour mettre fin à une dispute.

Telle est la place de Muhammad dans la vie de ses disciples et de ses fidèles par le vaste monde.

4. LA FOI EN DIEU

La reproduction ici d'une partie de l'article de Jean Bichon soulignera la différence essentielle entre le monothéisme islamique et la foi au Dieu trinitaire ontologique révélé de la foi chrétienne.

" Peut-on parler de religion abrahamique? " s'interroge l'auteur, dans la revue " Foi et vie " (17), que nous reproduisons avec l'autorisation de la direction de cette revue.

" Depuis le dix-huitième siècle, la pensée occidentale regarde les trois " religions " juive, chrétienne et islamique comme formant, au sein de l'univers religieux, un groupe distinct, aux caractéristiques propres. Quant aux musulmans, la parenté de ces trois religions est pour eux un enseignement du Coran. Il serait facile de montrer pourquoi c'est le siècle des Lumières, le siècle de la raison triomphante et du déisme, qui a opéré ou en tout cas accentué ce rapprochement, et non la théologie chrétienne; pour les chrétiens du Moyen Age, si l'Eglise fait couple avec la synagogue, par contre les musulmans sont des païens.

Nous ne contesterons pas ce groupement, pour autant qu’il se justifie par des raisons historiques évidentes et incontestables. Le christianisme est un rejeton du judaïsme dont il s'est progressivement séparé, au cours des quarante premières années de son existence; il croit " accomplir " l'attente du judaïsme. Muhammad, pendant toute sa période mecquoise, a espéré rallier à lui les chrétiens et les juifs, en les convainquant que son message s'accordait à leur croyance (sans doute le pensait-il lui-même); il n'a rompu avec eux, au plan doctrinal et au plan social, qu'après son installation à Médine; dès lors, il a cru qu’il reproduisait leur doctrine en la rectifiant; et les chrétiens d'Orient ont assez longtemps considéré l'Islam comme une secte hérétique plutôt que comme une religion étrangère. Un très grand nombre de notions théologiques et de références historiques (personnages, lieux, événements, etc.) sont communes à la Bible hébraïque, au Nouveau Testament et au Coran.

 

Mais un lien historique et une communauté, même étendue, de langue et de notions ne signifient pas nécessairement une parenté intrinsèque. Toute foi a son noeud vital, ses affirmations essentielles. C'est à ce niveau qu'il faut chercher une parenté substantielle. Depuis longtemps, certains savants, dont les idées sont souvent reprises par les tenants du ‘rapprochement " et du " dialogue ", ont cherché à donner cohérence et valeur à un contenu conceptuel et théologique qui fut commun à ces trois religions. Nous n'avons ni la place ni l'érudition suffisantes pour inventorier et discuter cet effort séculaire et nous nous contenterons d'examiner les thèmes qui servent le plus couramment à souder ensemble les trois religions: celui de la révélation; celui du monothéisme; et surtout le plus récent, celui des " religions abrahamiques ".

On se réfère souvent au mode de connaissance par lequel le croyant de chacune de ces trois religions est relié à l'objet de sa croyance; la " révélation ", une connaissance dont l'initiative ne revient pas à l'homme, mais à Dieu. On groupe alors ensemble les trois " religions révélées ", et les trois " livres révélés " sur lesquels elles s'appuient.

L’idée de révélation suppose l'existence d'un être divin capable de révéler ou de se révéler; c'est-à-dire distinct du monde et doué de conscience, d'entendement, de volonté et d'action, à peu près ce que nous appelons " personnel ".

Mais l'idée de révélation, et par conséquent d'un Dieu qui en soit l'auteur, n'est pas propre aux trois seules religions juive, chrétienne et islamique; elle est très répandue dans l'univers des religions; sa présence en deux ou trois points différents n'entraîne donc pas une parenté étroite et riche de conséquences. " Les religions des peuples du Proche-Orient qui environnaient le peuple d'Israël étaient aussi, à leur manière, avec leurs dieux épiphaniques, des religions de la révélation. " (Moltmann, Théologie de l'espérance, p. 41). " Aussi la différence réelle ne se situe-t-elle pas entre les dieux dits naturels et un Dieu de la révélation, mais entre le Dieu de la promesse et les dieux épiphaniques. Il n’y a donc pas de différence lorsque l'on affirme simplement une " révélation " divine, mais seulement lorsque se révèle et se montre la divinité. " (Ibid.). En d'autres termes, ce n’est pas tant la révélation qui importe que l'image de Dieu qu'elle livre, les notions sur Dieu et les actes de Dieu qui déterminent cette image.

Si nous appliquons cette règle à notre sujet, les différences deviennent manifestes. Le Dieu de l'Islam ne quitte pas son secret, sa transcendance (la mystique, pourtant fort répandue en Islam, est toujours restée suspecte aux grands docteurs orthodoxes); il ne fait connaître quelque chose de son être que par ses noms , c’est-à-dire que sa connaissance reste, pour l'essentiel, au plan cognitif. Le Dieu de l'Ancien Testament, par contre, visite Abraham, Jacob, Moïse; il " habite " au milieu de son peuple; les prophètes sont tendus vers sa manifestation finale. Enfin, en Jésus-Christ, Dieu se fait homme, le Fils éternel descend et s'incarne, devient un membre de l'hunanité: si l'incarnation n’est aujourd'hui connue que par la foi, il n'empêche qu’elle a réellement eu lieu, et redeviendra un jour visible et manifeste, non pas dans un paradis surgi pour la circonstance, mais dans le Royaume du Christ qui sera, avec des changements inouïs, cette même terre sur laquelle nous marchons. Ici la révélation n'est pas cognitive, mais réelle; c'est une venue personnelle, un face à face, en même temps qu’une union intime. Allah révèle des paroles; le Dieu de la Bible révèle et se révèle en quelqu’un qui est un autre lui-même.

Tous les attributs de Dieu, c'est-à-dire son image tout entière, se trouvent transformés par cet agir si différent du Dieu biblique par rapport au Dieu coranique. Sa toute puissance se manifeste dans la faiblesse, dans l'abaissement. Sa sagesse ressemble à une folie. Sa liberté se lie: il devient au premier chef le Dieu fidèle (attribut inconnu du Coran), fidèle à son élection, à sa promesse et à son alliance. Sa miséricorde n’est pas une faveur majestueuse et arbitraire: elle renverse les notions humaines les plus ancrées, car elle est le pardon du rebelle, de l'ennemi de Dieu; et elle est coûteuse à Dieu qui sanctifie son Fils innocent. L’amour de Dieu (terme absent du Coran, au sens où Dieu serait le sujet de cet amour), c'est son essence même; il se donne et se livre en Jésus, il participe à la souffrance et à la mort de son Fils. L’on pourrait continuer.

Nous sortions de notre sujet en faisant plus que mentionner à quel point revêtent une valeur et un contenu différents tous les termes qui jalonnent et décrivent la relation historique de Dieu et de l'homme: parole, prophétie, livre, loi, grâce, salut, etc. Et le sens même de l'histoire de Dieu et des hommes; ainsi que des termes anthropologiques, en particulier celui de péché.

Parmi les attributs divins, il en est un que nous avons passé sous silence, nous réservant d'en parler maintenant. C'est celui de l'unité, ou plutôt de l'unicité. En effet, il est courant, pour donner un fondement commun aux trois religions, de faire référence à cet attribut; on les nomme " les trois monothéismes ". Toutes les trois professent qu’il n'y a qu'un Dieu. Ce trait commun les opposerait à toutes les autres et serait la plus sûre marque de leur commune appartenance. Nous ferons trois remarques:

1. Le monothéisme existe ailleurs, " il est bien connu, écrit K. Barth, que le monothéisme constitue le secret, accessible aux seuls initiés, de toutes les religions, y compris les plus primitives' (Dogmatique, 111, 1,2, p. 200). Une affirmation aussi absolue ne serait sans doute pas partagée par tous les historiens des religions; cependant, elle exprime une constatation faite fréquemment dans des pays très divers.

2. L’affirmation qu’il n’y a qu’un Dieu est une détermination religieuse qui reste superficielle. Nous citerons un savant étranger à la controverse relative à l'Islam: c'est PY. von Wartenberg, qui écrivait à W. Dilthey (lettre citée par Martin Buber, in Moïse, P.U.E, p. 4): " Je tiendrais pour souhaitable que l'on fît abstraction des catégories: panthéisme, monothéisme, théisme, panenthéisme. Elles n'ont pas de valeur religieuse en elles-mêmes, elles sont purement formelles et ne donnent qu'une détermination quantitative. C'est une conception du monde, non une conception de Dieu qu'elles reflètent, elles ne forment que les contours d'un comportement intellectuel, et encore la projection qu’elles en donnent est purement formelle. Or, c'est le thématisme de ces dénominations formelles qui est important pour l'élément religieux aussi bien que pour la connaissance historique. " Après cette citation, M. Buber ajoute: " Ce qui est décisif, ce n’est pas que, dans la contemplation de l'Etre on accepte une unité supérieure à tout, mais c'est la façon de contempler et de sentir cette unité, c'est la présence d'une relation exclusive entre cette unité et l'individu, relation commandant toutes les autres et, avec elles, l'ordonnance totale de la vie. " Nous ne sommes pas d'accord avec la fin de cette phrase; la " relation exclusive " n'est q’un leurre si le Dieu unique, qui n'est pas simplement l'Etre, reste abstrait, sans visage et sans action. Heureusement, M. Buber continue en ces termes: " A l'intérieur de ce qu’on appelle monothéisme, la diversité concrète des images de Dieu et des relations vitales avec Dieu tranche des entailles qui parfois sont bien plus importantes que les limites entre un " monothéisme " et un " polythéisme " définis. " Ici Buber rejoint à peu près exactement ce qu'écrivait tout à l'heure Moltmann. Image de Dieu, relations de Dieu et de l'homme, d'où: sens du monde, de l'histoire, de la

vie, voilà l'important, et non pas une extérieure qualification numérique.

3. Il est piquant de constater que le monothéisme, dans lequel certains veulent voir le grand trait commun aux trois religions, est une qualification que l'Islam conteste, sur un fondement coranique très solide, aux juifs et aux chrétiens. Le Coran accuse expressément les uns et les autres d'adjoindre à Allah d'autres êtres dont ils font des divinités: les juifs adorent Ozaïr; les chrétiens adorent Jésus et Marie. Toute la tradition islamique reporte cette accusation sur la doctrine chrétienne de la Trinité, il est bien rare de rencontrer un théologien musulman qui consente à réexaminer le problème. L’Islam ne fait de différence entre la doctrine de la Trinité et le trithéisme. Il y a donc deux conceptions différentes de l'unité divine. L'une reconnaît à Dieu la possibilité de se distinguer de lui-même; d'être simultanément suivant plusieurs modes permanents: d'être amour en lui-même avant de l'être à l'égard des créatures; de l'être à l'égard des créatures parce qu’il l'est en lui-même. K. Barth concluait, après plusieurs pages consacrées à l'unicité et à la simplicité de Dieu: " Il est parfaitement absurde de vouloir rapprocher l'Islam et le christianisme sous prétexte que le monothéisme serait leur point commun. En fait, rien ne les sépare plus profondément que l'unanimité apparente avec laquelle ils affirment l'un et l'autre qu'il n’y a qu'un seul Dieu. (Dogmatique, 111,1,2, p. 201).

De notre côté, nous soulignerons certains autres aspects fondamentaux de la doctrine musulmane de Dieu.

Avant l'apparition de l'Islam, les Arabes étaient des polythéistes, adorant des dieux mâles et femelles dont les images ont été conservées dans la Kaaba, à La Mecque. Simultanément, ils possèdent une connaissance d'un Dieu suprême qu'ils appellent Allah (le Dieu), seigneur de la Kaaba. Selon Muhammad, seul Allah est Dieu, le reste n'étant qu'idole. La foi au Dieu unique va devenir dans la nouvelle religion le fondement de la croyance islamique. Lui adjoindre d'autres dieux est le plus grand péché. Tout musulman abhorrera une quelconque pratique idolâtre.

Pour les théologiens musulmans, l'unité de Dieu implique qu’il est totalement différent de ce que l'homme peut concevoir. L’Etre divin est défini de manière négative: il n'est pas corps, esprit ou substance ou attribut, il n'est pas composé de parties, de membres, ne peut être vu. En outre, le Coran renferme certains éléments positifs relatifs à Dieu. Ainsi il est le créateur de tous et de toutes choses. Par son pouvoir, il soutient l'univers, rien n’advient sans sa volonté. Il a créé l'homme pour en faire son esclave, il exige de lui une soumission totale, l'adoration sans réserve. Il ressuscitera les morts pour les ramener à la vie et il les fera comparaître devant son tribunal de jugement. Dans sa miséricorde, il a envoyé des prophètes pour guider les humains sur le droit chemin. Il pardonne et il pardonnera à qui il veut. Cependant, il fait ce qu'il veut et l'homme n'a pas le droit de l'interroger, ni de le contester. Ses attributs consistent en la vie, la connaissance, la volonté, le pouvoir, l'écoute, la vision, le parler. Le Coran comme les traditions comportent des termes appelés les quatre-vingt-dix-neuf plus beaux noms de Dieu dont voici quelques uns: l'Un, le Réel, la Lumière, l'Auto-suffisant (I'aséité des chrétiens?), l'Eternel, le Vengeur, le Juge. Toutes les sourates (chapitres) du Coran, à une exception près, commencent par l'expression " Au nom du Dieu compatissant et bon ". Les théologiens attribuent ces qualités à Dieu et elles révèlent chez eux un sens autre que lorsqu'elles désignent celles des humains.

Le thème de Dieu y étant dominant, la mention de son nom présidera tout discours de fidèle musulman. Lorsque celui-ci fait une promesse, il la conditionnera par un solennel " si Dieu le veut ". S'il vient à éternuer, il dira " Dieu soit loué ". A la vue d'un bel objet, il s'exclamera "gloire à Dieu ". En toutes circonstances, il devra prononcer " Dieu merci ". Lorsque monté sur son âne, il cherche à faire avancer sa monture, il criera " Ya Allah ", c'est-à-dire " ô Dieu ! ".

Cependant, si l'amour de Dieu pouvait se trouver dans le coeur du musulman autant que son nom sur ses lèvres, il aurait été un homme véritablement pieux. Mais se vanter d'être monothéiste, adepte du seul vrai Dieu, ne suffit pas pour prouver la puissance de la piété qu’inspire la connaissance du vrai Dieu (voir Jacques 2:19).

Selon Samuel Zwemer, célèbre missionnaire chrétien qui a consacré plusieurs années de sa vie à évangéliser les musulmans, notamment en Arabie, " le Coran montre que Muhammad avait une idée assez correcte des attributs spirituels de Dieu, mais une totale méconnaissance de ses attributs moraux. Sa conception en est négative. Ce qui explique pourquoi la prière de supplication n’occupe pas de place éminente, voire aucune, dans cette religion. L'Islam conçoit Dieu en termes de volonté et non d'attributs moraux tels que bonté, miséricorde, grâce, amour, patience, que nous révèle la Bible chrétienne. "

Dans Essai d'une théologie du paganisme, Henri Maurier consacre un chapitre intitulé " Entre le paganisme et l'économie chrétienne: l'Islam ". Il considère l'Islam par rapport à l'une et à l'autre de ces religions. Il rappelle comment Muhammad s’érigea d’abord contre le polythéisme idolâtrique des habitants de La Mecque. Saisi par la notion du Dieu suprême, unique spirituel, tout-puissant, il voulut la dégager des compromissions mercantiles par lesquelles Mecquois et bédouins la mêlaient aux divinités terre à terre de la Kaaba. La prédication du Prophète est nette: " Au nom d'Allah, le Bienfaiteur miséricordieux, dis: Il est Allah, unique, Allah le seul. Il n’a pas engendré et il n'a pas été engendré. Nul n’est égal à lui " (112:1-4). " Pendant dix ans environ, les rares fidèles et les nombreux opposants mecquois entendirent la récitation des premières sourates du Coran: affirmation de Dieu miséricordieux, tout-puissant, créateur et rétributeur, suprême et juste juge, inaccessible et bienveillant, redoutable, pardonneur; redite inlassable de l'imminence de l'heure du jugement; proclamation, contre le polythéisme mecquois, de Dieu unique et un en lui-même; promesse du paradis au croyant et des tourments de l'enfer aux incrédules; rappel d'une longue suite de prophètes, les prédécesseurs, avant tout les prophètes bibliques, d'Adam à Jésus; continuité vivante et vitale de la foi d'Abraham, l'ami de Dieu, et de la foi nouvellement prêchée. "

Ainsi, le Prophète s'opposera-t-il radicalement au paganisme. Celui qu’il a sous les yeux est sûrement dévoyé; il ne cherche pas à comprendre ce qu’il peut y avoir de bon en lui; il se pose immédiatement en champion d'une religion " nettoyée " par rapport à toutes les déviations qu'il constate. Aux hommes de son temps qui ne peuvent chercher Dieu qu'à tâtons, moyennant bien des incertitudes ou des compromissions et en s'en tenant à la mesure de leurs besoins, il montre une expérience toute différente: lui, Muhammad, est saisi par le Dieu unique; il est chargé de le prêcher pour que les hommes se soumettent complètement à lui; sa prédication rétablit les droits de l'homme.

il faut d’abord reconnaître qu’Allah est l'unique. L’idolâtrie est le péché le plus grave, irrémissible, celui qui est le plus directement opposé à la révélation. Inversement, tout autre péché peut être pardonné à celui du moins qui a la foi: " Dieu ne pardonnera pas le crime de ceux qui lui associent d'autres divinités; il pardonne tout le reste à qui il voudra. Car quiconque lui associe d'autres divinités s'est égaré sur une fausse route éloignée de la vraie. " (4:116). Le " kufr ", infidélité, rejet ou refus de l'islam, est le péché d'impiété.

Ensuite, le fidèle doit s'abandonner totalement à Dieu. Alors que le païen n'a pas d'autres soucis que sa condition humaine et que sa prière est une demande des biens nécessaires, le musulman doit s'en remettre à Dieu pour toute sa vie. Cet abandon s'appuie sur la foi en la transcendance du Dieu unique et tout-puissant qui, n’étant lié par rien, fait tout ce qu'il veut. Tout est juste de ce qu'il désire. Ses décrets sont immuables et sans appel. Au jour du jugement, le Tout-Puissant n’a de compte à rendre à personne. En conséquence, c'est la vie entière qui est ordonnée du point de vue de Dieu. C'est donc bien toute la condition humaine qui se trouve reprise dans l'Islam: l'Islam est une religion, c'est aussi, c'est non moins essentiellement une communauté, dont le lien religieux fixe pour chaque membre et pour tous les membres ensemble les conditions et les règles de vie... Placé devant le Dieu unique et inaccessible, le musulman ne connaît pas, à proprement parler, d'intermédiaire entre Dieu et lui. Seule une intercession du Prophète en faveur de la communauté est évoquée. Nuitamment monté au ciel, Muhammad " s'arrêta au seuil de l'enceinte scellée de l'essence divine ". Dieu est inaccessible et les rapports avec lui sont conçus de façon extrinsèque. L’homme n’est qu’un esclave. Bref, dans l'islam, nous ne trouvons plus rien qui caractérise le paganisme. L’homme ne part plus de soi pour trouver Dieu: c'est Dieu qui lui parle par le Prophète et dans un livre; la foi est donnée. L’homme n'a pas plus à prendre souci de sa vie, il s'en remet de tout à Dieu. Il n’existe plus d'intermédiaires entre lui et Dieu, plus d'images, plus de tâtonnements par lesquels le païen se formait une idée de Dieu.

Et désormais, en communauté, le musulman a pour tâche de témoigner du Dieu unique. Sa foi est un témoignage, un témoignage du coeur avant tout, auquel doit se joindre, sauf impossibilité absolue, celui de la langue et des membres. Le croyant est témoin. L’Islam a donc purifié, corrigé le paganisme. " Qu’est-ce alors qui le différencie de la révélation chrétienne? ", s'interroge l'auteur. Nous y reviendrons plus loin.

5. LES ATTRIBUTS DIVINS

Les versets suivants du Coran (sourate 13:13 et 19:94, entre autres) forment une assez bonne introduction à l'étude des attributs divins de la théologie islamique.

Par la crainte qu'il éprouve en présence de la puissance d'Allah, le musulman pieux reste toute sa vie l'esclave de celui-ci. Trois classes d'attributs divins sont distinguées: la sagesse, la puissance et la bonté. Plus ordinairement, l'on parlera d'attributs terribles et d'attributs glorieux.

Les premiers sont les plus nombreux et davantage soulignés que les seconds, aussi bien dans le Livre que dans la tradition. Sept d'entre eux décrivent l'unité divine et son Etre absolu; cinq le désignent comme le créateur de l'origine de l'univers, vingt-quatre le caractérisent comme le Dieu miséricordieux et gracieux et le désignent avec des noms d'une grande beauté; trente-six renferment les idées de Muhammad sur sa puissance et sa souveraineté absolues; cinq mentionnent son caractère de vengeur, celui qui blesse. Il est un Dieu qui abaisse, égare, se venge, retient sa bonté, fait le mal. Dans tous ses agissements, il demeure indépendant et invariablement tout-puissant. Enfin, quatre attributs se réfèrent, si l'on peut dire ainsi, à son caractère moral, mais seulement deux le font explicitement. Les attributs moraux sont mentionnés seulement dans deux des versets du Livre qui mentionnent qu’Allah est saint et vrai, mais ceci au sens musulman.

Muhammad a vu la puissance dans la nature, mais il ne s’est jamais aperçu de sa sainteté et de sa justice. La raison en est claire: il ignore la nature du péché et ses conséquences. Le Coran (et le Prophète) a oublié l'attribut de la sainteté. Sa pureté inapprochable et sa sainteté telles que les révèlent la Bible y sont totalement ignorées. Le Coran observe un silence total sur le péché et ne se prononce pas sur son origine ni sur le remède. Dans ce trait se révèle encore le contraste avec les livres sacrés même du paganisme autant qu’avec la Parole de Dieu dans l'Ancien et le Nouveau Testaments. Melanchton, le grand réformateur allemand du seizième siècle, ami et proche collaborateur de Luther, écrivait dans son introduction à la version latine du Coran que Muhammad devait être inspiré par Satan parce qu’il n’expliquait rien au sujet du péché. Quelques rares passages seulement en font mention. La définition approximative du péché consiste à dire qu'il est la violation d'une loi ou d'une règle connue.

Selon certains théologiens musulmans, il existe sept péchés très graves: l'idolâtrie, le meurtre, la fausse accusation, l'adultère, le gaspillage du bien des orphelins, l'usure, la désertion lors du " djihad ", la désobéissance aux parents. D'autres parleront de dix-sept péchés graves, d'autres encore de sept cents! Cependant, le mensonge, la tromperie, la colère ou la convoitise ne sont que des offenses minimes qui seront pardonnées si l'on peut éviter les plus grandes. Le terme qui revient souvent et ordinairement dans le Coran pour désigner le péché est celui de " dhanb ", mais également de " harâm ", qui signifie interdit, tandis que les termes comportant le sens de " défendu " ont remplacé ceux de la faute et de la transgression.

Rien n'est par nature bon ou mauvais, mais le devient par le fiat, la volonté d'Allah. Ce qu'il a interdit est péché. Même ce qui pourrait paraître juste et légal à la conscience humaine, quand il l'interdit, devient " harâm ". Ce qu’il permet n'est pas péché et ne peut l'être du moment qu'il le permet, même s'il était péché avant ou après cette interdiction ou permission.

C'est un aussi grave péché de prier les mains impures que de dire un mensonge, et plus grave même que la transgression du septième commandement de la table de la loi de l'Ancien Testament. L'interprétation que le pieux musulman donne à ce thème est bien laxiste. On a souligné combien le code moral musulman était pharisien, " pharisaïsme tourné en arabe ", écrit Zwemer. " Le prophète sur qui repose la paix et soient nos prières pour lui a dit: Un dirham d'usure qu'on mange est plus grave que trente-six fornications, et celui qui en est coupable mérite le feu de l'enfer. "

Pour comprendre cette absence d'élément moral dans les attributs divins, il faut aller plus en avant encore. Selon le système musulman et selon le Coran qu'amplifie la tradition, tout péché est une affaire d'importance minime. Ce qui importe c'est la récitation régulière du credo musulman. La réforme du caractère ne présente aucun intérêt. Il faut répéter le " kilimah ", ce qui fait ipso facto d'un homme un croyant. Même si on l'a prononcé par accident ou sous contrainte, cela suffira pour faire de quelqu'un un croyant! Ainsi, la simple récitation du credo devient le portique introduisant à la religion musulmane. Si selon le Coran Adam fut le premier des pécheurs, la croyance générale veut qu'aucun prophète ne serait véritablement pécheur! Pas même Adam, et surtout pas Muhammad, le dernier de la lignée prophétique. Celui qui ne se repent pas est destiné à l'enfer, et la description de celui-ci est proprement abjecte, et épouvantables sont les tourments endurés en enfer tels que les a décrits le Prophète et que nous verrons dans le paragraphe consacré à l'eschatologie musulmane.

Une étude du Coran et de la tradition islamique démontre qu'Allah ne semble lié par aucune norme de justice. Par exemple, le culte voué à la créature est odieux à l'esprit musulman, et pourtant Allah punit Satan pour avoir refusé d'adorer Adam! Allah est miséricordieux en tolérant les péchés de ses favoris, tels que les prophètes et ceux qui combattent dans ces batailles, mais il se venge aussitôt des infidèles et des idolâtres. Il révèle sa vérité à ses prophètes, mais il abroge leur message ou bien il le fait oublier! Il n'existe point de vérité immuable. La loi morale change comme change la loi cérémonielle, selon les temps et les circonstances. Les docteurs musulmans nient qu'Allah soit sujet à une norme absolue de rectitude morale. Il se comporte avec un arbitraire absolu, non seulement au sens physique, mais encore au sens moral. N'est-il pas le Tout-Puissant? Il se moque de qui il veut, il trompe qui il choisit. Il facilite pourtant les choses pour ceux qui acceptent le message du Prophète, car il est clément.

Selon une certaine tradition, les sept attributs principaux de la divinité seraient : la vie, la connaissance, l'intention, la puissance, l’ouïe, la vue, le discours. Nous remarquons que ces attributs décrivent simplement des capacités intellectuelles. Si cela lui plaît, Allah peut anéantir l'univers. Il peut également le reconstituer en un seul instant... Il ne reçoit de profit de personne, il ne subit aucune perte quoiqu’il advienne. Si les fidèles deviennent infidèles, cela ne lui nuira point. Il voit toutes choses, même les pas d'une fourmi noire grimpant le rocher noir durant une nuit totalement noire. C'est là évidemment une notion purement physique de l'omniscience divine que l'on contrastera avec profit au Psaume 139 et à son admirable notion de la connaissance que Dieu possède des choses les plus intimes et les plus obscures de l'esprit humain.

D'après le Coran, l'oeil de Dieu est un microscope géant par lequel il examine les créatures. Selon la Bible, son oeil est une flamme de feu qui met à nu nos pensées les plus profondes et les intentions les plus intimes du coeur. Le Coran n’a pas de nom pour décrire la conscience morale. On peut se demander ce qu’est l'idée de Muhammad relative au caractère de Dieu quand il le nomme l'orgueilleux, le meurtrier, l'indulgent, celui qui nuit, etc.

On ne peut réconcilier de tels attributs avec ceux de la bonté et de la compassion sans faire violence au texte du Coran lui-même.

Selon certains théologiens, les attributs positifs seraient exercés sur les croyants et en leur faveur, tandis que les attributs terribles seraient réservés aux infidèles. Ainsi, l'Allah musulman rappelle le Janus à deux faces de la mythologie antique. En dépit de la doctrine musulmane de l'unité divine, l'unité réelle de la déité est totalement absente de la religion musulmane. Lorsque le Coran appelle Dieu " Saint ", le terme ne signifie nullement pureté morale ou personnelle, comme c'est le cas dans la Bible, mais simplement pureté cérémonielle tout extérieure.

Le " tahir " du Coran se réfère à la pureté extérieure du corps. L’idée de séparation d'avec le péché est de nouveau absente de cette théologie et sans doute même inconnue. A ce propos, au sujet des attributs divins, certains interprètes de l'Islam parlent du panthéisme de la force. En effet, certains attributs indiquent dans ce sens, intentionnellement ou non, peu importe, qu’Allah semble être l'intérieur et l'extérieur de toutes choses. Il est à la fois le phénomène et la puissance derrière celui-ci. Nombre de sectes musulmanes, et pas seulement les soufis mystiques, cultivent cette conception panthéiste, contrairement aux rationalistes mutazilites. Une secte, celle de Mutara Besiyah, affirme qu’avec tous ses attributs Allah est éternel, mais que sa puissance, sa connaissance et son intention ont été créées. Dans un passage unique du Coran, Allah est décrit comme dépendant ou endetté à quelque chose en dehors de lui-même. Il est la lumière du monde, mais selon le Salabiyah, il serait indifférent aux actions humaines comme s'il se trouvait en état de sommeil!

Selon les muztariyah, le bien et le mal viennent directement de la part de Dieu et l'homme n'en est ni l'auteur ni le responsable. Les nazamia disent qu'il est légitime de parler de Dieu comme de la chose.

Certaines écoles pensent que les attributs d'Allah sont éternels, d'autres le nient pour maintenir leur idée de pur et d'absolu monisme de Dieu.

6. LES RAPPORTS D'ALLAH AVEC LE MONDE

La doctrine de l'unité de Dieu est celle de sa providence même. Elle exprime la totalité de la philosophie du Prophète. Non seulement l'existence et le caractère de Dieu sont contenus dans le bref credo déjà cité, " la ilaha illa Allah, " il n'y a de Dieu qu’Allah ", mais encore sa relation passée, présente et future. Selon un expert de l'Islam:

" Cette formule en une langue autre que l'arabe équivaut à la négation de toute autre déité excepté une; en arabe, elle dit encore davantage: le sens plein ne consiste pas simplement à nier absolument et sans réserve toute pluralité dans l'Etre suprême, que ce soit de nature ou de personne, non seulement il déclare l'unité de celui qui n'engendre et n'est point engendré dans sa simple unité incommunicable, mais encore les termes impliquent que l'Etre suprême est le seul agent, la seule force, le seul acte dans l'univers tout entier, nous laissant tous, êtres de matière ou esprit, instinct ou intelligence, physique ou morale, comme de pures passivités inconditionnelles, mouvements en repos. Le seul pouvoir, le seul moteur, le seul mouvement, la seule énergie, c'est la personne unique de Dieu. Le reste n’est qu’inertie et pure instrumentalité, à commencer par le principal des archanges jusqu’aux atomes les plus simples. Le credo musulman résume un système qui, à défaut de meilleure définition, nous appellerons panthéisme de la force ou de l'acte, exclusivement assigné à Dieu, qui absorbe tout, exerce toutes choses, qui préserve ou détruit, soit en vue du mal, soit en vu du bien. Il est évident qu'à l'intérieur d'une telle théologie il ne reste plus la moindre place pour le bien ou pour le mal absolu, tout étant incorporé en la volonté autocrate de l'un, de ce grand agent.

Ainsi, de manière incommensurable et éternellement exaltée, dissemblable à toute créature placée, nivelée devant lui sur un plan unique, celui de leur instrumentalité et de leur inertie, Dieu est un dans la totalité de l'action omnipotente et omniprésente, ne reconnaissant aucune règle, aucune norme ni de limite, sauf son absolu vouloir. Il ne communique rien à ses créatures; leur apparente puissance ou actes sont éternellement les siens; en retour, il ne reçoit rien de leur part; car toutes choses sont en lui, par lui et pour lui. En second lieu, aucune supériorité, aucune distinction, nulle prééminence ne sauraient légitimement être réclamées par une créature par rapport à une autre dans le nivellement extrême de leur servitude et de leur abaissement. Toutes sont pareillement des instruments entre les mains de la force unique laquelle s'en sert pour les écraser ou, au contraire, les faire bénéficier de la vérité ou de les induire en erreur, leur accorder honneur ou les accabler par la disgrâce, faire éprouver le bonheur ou faire subir le malheur, tout à fait indépendamment de leur mérite individuel et simplement parce que tel est son bon plaisir arbitraire, pour ne pas dire irrationnel.

A première vue, on serait tenté de penser que cet autocrate géant, cette puissance incontrôlée et antipathique se trouve au-dessus de ce qui rappellerait une passion, un désir ou une tendance. Tel pourtant n’est pas le cas, car eu égard à ses créatures, il n’est animé que d'un seul sentiment et n’a qu’une source unique d'action, à savoir qu'il est jaloux d'eux de peur qu’accidentellement ils ne s'attribuent quelque chose que lui seul possède et, par là, lui faire subir dans son règne autocrate un irréparable préjudice. Il est enclin davantage à châtier qu'à récompenser, à infliger la douleur et la peine qu’à accorder le plaisir, à ruiner qu'à bâtir. C'est sa singulière satisfaction de faire constamment sentir aux êtres créés qu'ils ne sont rien d'autre que des esclaves, des outils méprisables, afin qu'ils parviennent à un meilleur savoir de sa supériorité et connaissent son pouvoir qui dépasse tout autre pouvoir, sa ruse plus achevée que toute ruse, sa volonté supérieure à toute autre volonté, son orgueil infiniment plus démesuré que leur orgueil; ou bien, plutôt) qu’il n’existe aucun autre pouvoir, ruse, volonté et orgueil si ce n’est les siens. Stérile dans son inaccessible hauteur, n'aimant pas, ne jouissant si ce n’est de ses propres décrets, sans fils ni compagnon ou conseiller, il est bien plus solitaire et abandonné que les plus misérables de ses créatures. Son impassibilité et son égoïsme sont la cause et la règle de son despotisme indifférent à l'égard de tous.

Cette notion donnée de la déité, aussi monstrueuse et blasphématoire: qu’elle paraisse, est exactement ce que communique littéralement le Coran ou qu'il a le dessein de communiquer. Tel un miroir, tout ce qui provient du Livre reflète fidèlement la pensée de l'auteur." (18).

La seule critique que l'adepte de l'Islam puisse formuler à l'égard de cette magnifique description, ajoute Zwemer, consistera à prétendre qu’elle traduit la position de la secte wahabi. Mais ceci ne fera que renforcer davantage l'idée exprimée plus haut, puisque les wahabi furent les partisans du retour à l'Islam primitif. Cette secte est plus orthodoxe que toute autre secte islamique, précise Zwemer. Ce que l'on vient de voir au sujet d'Allah peut mieux, s'illustrer par la doctrine musulmane de la création plutôt que par celle de la providence. L’Islam orthodoxe est à la fois déiste et panthéiste. Le but de la création n'était pas tant la manifestation de la gloire divine ou l'explosion de son amour que l'éclatement de son pouvoir (comparer sourate 50:37; 41:8; 16:3; 13:2; 35:12).

Le lecteur sera frappé par les contradictions évidentes des différentes sourates du Coran relatives aux jours de la création. Plus encore que cette contradiction, c'est le fait qu'Allah devient le créateur du mal (voir sourate(113 :2). C'est lui qui a créé l'enfer et Satan tels qu'ils sont. Il est le créateur des méchants et des bons, "djinns". Pourquoi a-t-il créé l'enfer? Pour le remplir d'infidèles. (Si pour l'Islam l'univers n'est pas infini, la raison en est que Dieu seul l'est, par conséquent, croire en deux infinis devient impossible; ce serait succomber au polythéisme).

La relation d'Allah avec l'univers est telle que tout libre arbitre et toute autre liberté dans l'exercice de l'intellect est un non-sens. Dieu est tellement grand, le caractère de sa grandeur est tellement absolu de manière panthéiste, qu'il ne saurait y permettre même une place infime pour l'humain. Tout le bien et tout le mal proviennent de lui. Plus grave encore, il est dit qu'il a créé une multitude d'esprits et d'hommes expressément en vue de les torturer dans un tel enfer, que seul le Coran et la tradition sont capables de nous dépeindre. Il n’y a aucun espoir et le pessimisme est devenu la philosophie populaire courante. On peut dire que l'Islam rend compte d'un aspect isolé seulement de la vérité laquelle possède plusieurs facettes. Il voit Dieu, mais ne tient pas compte de l'homme. Il est conscient des exigences divines, mais il reste aveugle quant aux droits de l'humanité. Certes, l'autorité supérieure est soulignée fortement, mais la liberté humaine est complètement escamotée dans un despotisme absolu et un formalisme raide noyé dans la mort. C'est la pire forme de monothéisme qui puisse exister, faisant de Dieu une pure volonté divorcée de la raison et dépourvue d'amour. Au lieu d'être une idée de progrès, il descend à un niveau inférieur à toute autre religion qu il prétend pourtant dépasser et remplacer.

Muhammad a parlé de Dieu au-dessus de nous; Moïse a révélé le Dieu avec nous, Jésus-Christ nous a montré la face du Dieu qui est à la fois au-dessus de nous et avec nous, et, par son Esprit, en nous. Non pas un despote oriental, mais le Père céleste; avec nous, en tant qu'Emmanuel dans le mystère de l'incarnation, ce qui précisément semble être un sujet de scandale au regard de la foi musulmane; en nous par l'Esprit pour renouveler notre coeur et contrôler la volonté, en vue d'une soumission authentique dans la foi.

Ceci nous amène à considérer à présent l'idée musulmane de la prédestination et du fatalisme telle qu'elle ressort du livre saint de l'Islam et de la tradition.

7. LA PRÉDESTINATION

La prédestination est l'un des grands points doctrinaux qui façonne toute la théologie de l'Islam. Elle exprime la relation de Dieu avec sa créature et avec l'homme, en particulier comme agent moral. Bien que le terme de prédestination puisse, à première vue, présenter des traits communs à la foi chrétienne, une sérieuse considération en révélera néanmoins le caractère irréductiblement opposé.

Avec une incroyable légèreté, on a prétendu que la doctrine islamique des décrets éternels de Dieu et sa prescience seraient une version orientale du calvinisme!

Le terme coranique ainsi que le hadith qui désigne la prédestination est " qadar "; dans les oeuvres théologiques, le terme technique employé est " taqdir ". Les deux mots proviennent de la même racine signifiant mesurer, ordonner d'avance (voir sourate 54:59; 3:139; 8:17; 9:51; 14:4; 37:94). Finalement, le grand texte dans nombre de controverses animées: " C'est un avertissement véritable; celui qui l'écoute suit la voie du Seigneur, même si vous ne le vouliez pas, à moins que Dieu le veuille, car Dieu est le connaissant, le sage. " (sourate 76.29,30). L’interprétation orthodoxe donnée à ce passage est la suivante:

" Obligatoirement reconnaître que le bien et le mal sont effectifs par la seule prédestination et la prédétermination de Dieu; ce qui a été et tout ce qui sera a été décrété dans l'éternité, écrit et préservé sur la table que la foi du croyant, la piété du croyant et ses bonnes actions sont prévues, voulues et prédestinées, de même que l'incroyance de l'infidèle, l'impiété de l'impie et les méchants actes qui se produisent avec la prescience, la volonté, la prédestination et le décret de Dieu, sans son approbation. Si l'on demande pourquoi Dieu veut et produit le mal, la réponse: c'est à des fins sages que l'homme est incapable de comprendre. D'après la doctrine orthodoxe sunnite notamment, c'est par la force de Dieu le décret éternel que l'homme est contraint d'agir de telle ou telle manière."

Cette conception s'accorde avec l'enseignement traditionnel de Muhammad. S. Zwemer donne la traduction de la section de " qadar" du Mishkat-ul-Misabih:

" Dieu créa Adam et toucha son dos avec sa main droite et il en fit sortir une famille. Puis Dieu dit à Adam: J'ai créé cette famille pour le paradis et leurs actions seront conformes à celles du paradis. De nouveau, Dieu toucha le dos d'Adam et fit sortir une autre famille, disant: J'ai créé celle-ci pour l’enfer, leurs actions seront conformes à celles des gens qui le peuplent. Ensuite, quelqu’un dit au Prophète: A quoi bon alors les actes? Il répondit: Lorsque Dieu crée son esclave pour le paradis, ses actions seront méritoires jusqu’au moment de sa mort, ensuite il entrera au paradis; lorsque Dieu crée quelqu’un pour le feu du châtiment, ses actions seront comme celles des gens de l'enfer jusqu’à ce qu'il meure, ensuite il ira en enfer.

Adam et Moïse se sont disputés devant le Seigneur et Moïse dit: Tu es Adam que Dieu créa avec sa main et sur lequel il souffla son Esprit, les anges t'adorèrent et ils te firent demeurer dans le paradis où, par ton péché, tu causas la chute des hommes; Adam répondit: Tu es Moïse que Dieu distingua en t'adressant son message et son Livre; il te donna les tables sur lesquelles tout a été enregistré. Maintenant, dis-moi combien d'années avant ma création Dieu écrivit la Torat (le Pentateuque?). Moïse répondit quarante; Adam dit: Alors pourquoi me reproches-tu d'avoir fait quelque chose que Dieu avait décrété quarante ans avant de m'avoir créé?"

Selon de telles traditions, et leurs interprétations au cours de dix siècles, ce type de prédestination devrait s'appeler fatalisme. Le fatalisme est la doctrine d'une nécessité inévitable; il implique un pouvoir souverain omnipotent et arbitraire. Le terme dérive du latin " fatum ", ce qui est prononcé ou décrété, et s'approche de la phrase musulmane si souvent sur les lèvres: " Allah katab ", Dieu l'a écrit.

Parmi des Grecs tels que Homère, la fatalité, la " moira ", a possédé une double force; par moment, elle est supérieure et par moment inférieure à la puissance de Zeus. L’idée grecque n'exclut pas la faute de l'homme. Dans les deux cas, cette idée de la destinée est moins fataliste dans ses résultats que l'enseignement de Muhammad. Le Dieu de l'Islam est plus terrible que le Zeus d'Eschyle, d'autant plus qu’on ne peut dire de lui qu'il a peur de la fatalité ou bien qu'il s'effraie de l'avènement de quelqu’un qui le dépossédera de son pouvoir.

Avec les attributs que le Prophète reconnaît à Allah, l'idée de prédestination, ou pour être plus précis, de fatalisme, est en parfait accord. L’Islam exalte le divin dans ses doctrines et ses décrets éternels pour ne pas le confondre avec l'humain, ou bien pour opposer l'humain au divin. Ce qui aboutit non seulement à négliger l'idée élémentaire d'une éthique en Dieu, mais à remplacer toute notion de responsabilité par la croyance aveugle au fatalisme en faisant de Dieu l'auteur du mal et flétrissant la conscience humaine avec un fer brûlant. Non seulement Dieu aurait décrété la chute d'Adam, mais encore il l'aurait créé faible et avec des appétits sensuels, de sorte qu'il lui fut impossible de ne pas succomber. Ainsi, le " Allah katab " est devenu le prétexte qui justifie d'innombrables crimes. Les criminels musulmans le citent devant les juges, mais les juges à leur tour le prononcent pour justifier leur verdict!

Le sens de la prédestination pour le musulman se voit également dans nombre d'expressions religieuses courantes; " inshallah " en est la plus familière, signifiant " si Dieu veut ", qui réconforte le musulman, de Calcutta au Caire. Grammaticalement, sinon logiquement, la phrase est l'équivalente de l'idée biblique, " si Dieu veut " (Jacques 4:15; Actes 18:21). Au musulman, la volonté divine est certaine, arbitraire, irrésistible, inévitable, précédant l'avènement de tout événement. En revanche, au chrétien la volonté divine est secrète, à moins qu'il ne la lui révèle. Lorsqu'il le fait, on est tenu à son devoir; alors on priera " que ta volonté soit faite ". Une telle prière est presque un blasphème à l'oreille musulmane. Dieu ne se révèle que lorsqu'il accomplit sa volonté, alors l'homme s’y soumet sans contestation possible ni la moindre interrogation. Un musulman qui prierait " que ta volonté se fasse sur la terre comme au ciel " serait coupable tout au moins de démence! Un archange comme un assassin, le diable comme le moucheron exécutent également à chaque instant de leur existence sa volonté et ses intentions. Tel qu’il veut et parce qu'il le veut, ils sont ce qu’ils sont et demeureront tels.

La même différence saute aux yeux quand on examine la phrase " el-hamdu-lillah ", c'est-à-dire " louange à Dieu " . L’expression biblique " louez le Seigneur " implique une responsabilité personnelle, comme par exemple la gratitude, l'activité; l'expression musulmane exprime soumission, inévitabilité, passivité, fatalisme. Elle se répète dans des circonstances tellement diverses qu'au regard du chrétien elle est simplement incongrue. Elle exprime l'Islam, la soumission; celle du chrétien affirme l'essence même de sa foi constituée et exprimée par la gratitude et la joie. La première n'apparaît jamais dans l'Ecriture Sainte, la dernière est absente du Coran.

La prière musulmane est conforme à la doctrine des décrets divins, mais elle est réduite à un exercice de gymnastique et à une récitation mécanique. Selon le Coran et la tradition, la prière est un devoir imposé par Allah, jamais un privilège. Allah aurait, pour commencer, imposé cinquante prières quotidiennes, mais le Prophète, sur le conseil de Moïse, l'aurait ramené à dix, et plus tard à cinq. La prière quotidienne du musulman consiste en louange plutôt qu’en requête; peu de musulmans admettent que la prière possède un pouvoir objectif autant que subjectif.

Le fatalisme musulman est distingué, encore plus radicalement qu’un prétendu hyper-calvinisme de prédestination, lorsqu’on le considère dans sa source des décrets divers et leur ultime objet. Dans l'Islam, il n'existe pas de signe de paternité divine ni aucun dessein de rédemption pour adoucir la doctrine des décrets.

On aura constaté que l'attribut de l'amour en est totalement absent. L’amour de Dieu au sens chrétien signifie soit son amour envers nous, soit celui que nous ressentons pour lui. Or, les deux idées sont étrangères à l'Islam. Une intercommunion sous le regard de la tendresse et de l'affection mutuelle entre Dieu et sa créature est rarement ou jamais évoquée dans le Coran. De la même manière, l'amour de Dieu envers l'homme, lorsqu’il est quand même mentionné, ressemble plutôt à un amour pour ses bonnes qualités plutôt que pour l'homme lui-même. Le Dieu du Coran, a-t-on dit avec réalisme, est présent dans le vent impétueux, dans le tremblement de terre dévastateur et le feu qui dévore tout, mais non dans la petite et faible voix de l'amour. L’amour mystique des soufis ne caractérise nullement l'Islam orthodoxe; s'il a apparu, la raison en est que le soufisme avait été une rébellion contre l'Islam orthodoxe rigide et inhumain.

La paternité de Dieu, ainsi que les constants rappels de l'Ecriture que Dieu est amour et qu'il aime le monde, le pécheur, l'humanité, furent des convictions qui exercèrent une influence décisive sur la notion chrétienne des décrets divins. De la même façon, le caractère d'Allah est la clé des décrets selon la théologie musulmane. L’Islam réduit Dieu à une catégorie de simple volonté. Tel un monarque absolu, il se place dans des hauteurs inaccessibles; il n'est qu’un monarque despote oriental! Il ne se soucie guère du caractère moral, mais exclusivement de la soumission de la créature. Le devoir de l'humain est de se soumettre à lui.

Il n'est pas difficile de conjecturer à quelle source le Prophète a puisé cette idée d'une prédestination détaillée sur le modèle du fatalisme. Comme la plupart de ses autres enseignements, il semble que la doctrine de " qadar " fut empruntée au Talmud. Le Rabbi Geiger a montré comment Muhammad avait emprunté au judaïsme non seulement des mots, des conceptions, des règles légales, des histoires et des récits, mais aussi des vues doctrinales. Au temps de Jésus, les scribes et les pharisiens divergeaient dans leurs convictions relatives à la prédestination. Ces derniers étaient davantage inclinés vers une idée fataliste des décrets divins, presque semblables à celle de l'Islam moderne. Des histoires contenues dans le Talmud trouvent leur double dans l'Islam.

Des vues plus hétérodoxes ont également circulé dans l'Islam. Mais celui qui est tant soit peu familier de l'histoire des sectes musulmanes ne peut douter que la synthèse offerte dans le présent paragraphe est fidèle à celle de l'orthodoxie. Les trois vues à laquelle les multitudes des sectes ramènent ce problème épineux sont le " jabariyun ", ou fatalisme extrême, le " kadariyun ", qui affirme que l'homme est doté du libre arbitre, ce sont les libres penseurs musulmans, et les " ashariens " qui sont un peu plus modérés que les premiers.

Lorsqu’on examine l'influence écrasante de cette doctrine du fatalisme, on se rappellera, en parlant de façon générale, qu’il y eu deux écoles de philosophie musulmane: l'une orthodoxe, l'autre hérétique. C’est la dernière qui ajouta à la connaissance de la philosophie un iota. Les réalisations des Arabes en philosophie ont été exagérément rapportées. En tout état de cause, ils dont fait rien d'autre que de traduire et de transmettre la pensée grecque; ce qui a été ajouté à Platon et à Aristote ne vient pas du côté orthodoxe, mais ce fut l'oeuvre d'hérétiques tels qu'Averroës, Alfarabi et Avicennes. Le penseur orthodoxe représentatif de l'Islam, Al-Ghazali, ainsi que le fruit de son oeuvre, furent un triomphe complet de l'orthodoxie non-philosophique.

On a fait remarquer avec sarcasme que l'étudiant musulman n'a admiré ni l'acuité ni l'audace de son maître, il s'émerveille plutôt de la sagesse de Dieu qui pouvait tirer des interprétations aussi mystérieuses!

8. CONCLUSION SUR LA DOCTRINE MUSULMANE DE DIEU

Que conclure de cette investigation plutôt sommaire de la doctrine musulmane sur la personne d'Allah? Le Coran a-t-il raison d'affirmer: " votre Dieu et le nôtre est le même "? En réalité, l'idée de Muhammad est inadéquate, incomplète, stérile et dangereusement déformée, même si certains traits de la révélation biblique s'y retrouvent. Elle est infiniment inférieure à l'idée chrétienne, autant qu’à celle de l'Ancien Testament. Le livre de Job à lui seul offre des descriptions plus glorieuses de la personnalité de Dieu, de son unité, de sa puissance et de sa sainteté que ne le font toutes les sourates du Coran. La paternité de Dieu est déjà présente sur les pages de l'Ancien Testament, mais totalement absente du Coran.

L’étude comparative des religions devra comporter un critère d'appréciation supérieur, critère qui, pour le chrétien, ne peut être que celui de l'Evangile. L’Islam, lui aussi, cherche la comparaison d'après ce même critère. Ici même, nous ne traitons pas du monothéisme de la pensée grecque, qui a pris naissance avec Platon et Aristote bien avant l'apparition du Christ, mais du monothéisme qui vit le jour six siècles après l'avènement du Christ. Cette idée prétend être une amélioration par rapport à celle des Evangiles, ou encore une réaffirmation de l'idée chrétienne. Aussi allons-nous, d'après l’avis même de l'Islam, évaluer notre conception de Dieu selon les lumières de l'Evangile.

Jésus-Christ a déclaré que nul ne peut connaître Dieu si ce n’est par le Fils. Il est le rayonnement de la gloire du Père, l'image exacte de son essence. Celui qui a vu Jésus a vu le Père. En niant la déité du Christ, Muhammad nie également que celui-ci soit venu pour une mission unique et transcendante, celle de " nous montrer le Père ". Au lieu de parvenir à sa théologie à travers la pensée du Christ, telle qu'elle se révèle dans les Evangiles et qu’elle est développée par l'enseignement du Saint-Esprit dans les épîtres, Muhammad a régressé vers une théologie naturelle. Il ne s'est pas servi, ou n'a pas voulu se servir du canal de la connaissance ouvert par l'incarnation. Au lieu d'apprendre de celui qui est descendu du ciel, Muhammad déclare que lui-même est monté au ciel pour entrer en rapport avec Dieu (Coran sourate 17:2 et commentaires).

Qu’on tienne ce voyage nocturne du Prophète pour un rêve ou pour une vision, comme c'est le cas chez la majorité des musulmans, ou pour une réalité physique, cela a peu d'importance. Le Coran et la tradition orthodoxe ne laissent planer aucun doute que Muhammad ait donné cette idée de lui-même et qu'il ait souvent déclaré avoir eu une conversation avec les anges et les prophètes aussi bien qu'avec Dieu en personne dans le paradis.

Le récit de ce voyage nocturne, tel qu'il est rapporté dans la tradition et largement admis, est aussi puéril que blasphématoire. L’histoire n'ajoute rien à la somme théologique contenu dans le Coran. La description du ciel de Muhammad est empruntée au Talmud. Nous concluons par conséquent que le monothéisme musulman, même si on pouvait lui trouver des éléments positifs, manque aussi bien d'éléments chrétiens que ceux propres à l'Ancien Testament.

Il n’y a point de paternité de Dieu. Cette théologie exclut toute relation filiale de l'homme avec la divinité. La crainte musulmane de Dieu n'est pas " le commencement de la sagesse ". Allah n'inspire qu’une crainte servile et non filiale. Personne ne s'approche de lui si ce n'est en esclave. Là où il n’existe point de paternité divine, il ne peut exister de fraternité entre les hommes. L’Islam est une fraternité des croyants adeptes de son dogme, excluant tout sentiment humain envers ceux qui ne sont pas de son rang. Assurément, c'est ce trait-là qui caractérise l'Islam et explique son fanatisme et son immense orgueil. Le déni de la paternité divine le transforme en une abstraction désolante. La contemplation même d'une si stérile déité laisse la certitude que l'on est des enfants orphelins dans un monde sans patrie.

L’idée musulmane de Dieu est atrocement étrangère à l'amour divin. Cela apparaît dans l'examen des attributs de Dieu. Mais en collectant certains fragments précieux de cette idée du Coran, un autre point ressort encore. Quelle que soit l'idée musulmane de la miséricorde divine, l'amour ou la bonté n’a de référence que seulement et totalement à ce qui est externe à Dieu. Or, dans la Bible, l'amour n'est pas un simple attribut de la divinité, puisque Dieu en personne est amour. Son amour ne se manifeste pas simplement de la Genèse à l’Apocalypse, mais existe depuis toute éternité (Jér. 31:3; Jean 3:16; 17:24; Ephés. 1:4; Apoc. 13:8). L’amour qui fait de Dieu " l'immanent " est essentiel et donne un sens totalement nouveau et une actualité à la religion, quoique la pensée n'est pas forcée de recevoir le monothéisme comme l'apothéose d'une volonté toute-puissante ou une idée impersonnelle de la pure raison.

Notons que le mysticisme musulman fut une révolte contre la doctrine orthodoxe d'Allah. Le coeur humain aspire à un Dieu qui aime; un Dieu personnel qui a choisi d'établir une relation d'affection avec l'humanité. Un Dieu vivant qui soit touché du sentiment de nos infirmités et qui entend et exauce nos prières. Un tel Dieu, le Coran ne nous le révèle pas. Un être qui est incapable d'aimer ne peut, à son tour, être aimé. Le témoignage le plus criant de ce défaut dans la conception orthodoxe de Dieu se trouve dans le fait que la poésie enflammée de la piété des soufis est rejetée comme une hérésie. Allah est trop riche et trop orgueilleux, trop indépendant aussi pour avoir besoin ou pour désirer le tribut d'honneur des humains. L’Islam apparaît donc comme une croyance totalement dépourvue de la notion et de la pratique de l'amour. L’enseignement biblique selon lequel Dieu est amour n'est que blasphème aux oreilles musulmanes, aussi bien cultivées qu’ignorantes. L’Islam orthodoxe est une religion qui ne possède pas d'hymne. Où sont dans le Coran ou dans les volumes contenant la tradition les psaumes exprimant une profonde piété, les hymnes d'aspiration spirituelle comme ceux de l'Ancien Testament?

Le Coran ne contient pas davantage de préceptes d'amour envers l'ennemi. Il ne reconnaît ni de bienveillance universelle ni de tolérance envers autrui (sourate 9:29). Que cet élément vital, celui de l'amour, fasse défaut dans l'idée de Dieu explique la raison que, contrairement à la Bible chrétienne, le Coran a si peu à dire au sujet des petits enfants. Le royaume de Muhammad ne leur appartient pas.

Allah est simultanément absolu et éternellement juste. Il est possible, ainsi que prétendent d'aucuns, que dans l'Eglise occidentale on ait accentué excessivement l'aspect forensique et juridique de la sainteté et de la justice de Dieu. Mais autant que la Bible, la conscience humaine elle aussi a souligné, au cours de tous les âges, cet aspect ou cette dimension de la vérité. Elle est présente dans le théisme grec. La Bible n’est pas seule à affirmer que le juge de toute la terre doit être juste. La justice et le jugement sont son habitation et son trône. Il est impossible à Dieu de mentir. C'est pourquoi il n'innocentera pas le coupable. L’âme qui pèche doit mourir. Le Calvaire avec toute son horreur ne peut s'expliquer qu’en termes de justice et d'amour divin. Les termes mêmes de Paul soulignent fortement cet aspect de la rédemption: " Il a voulu montrer sa justice dans le temps présent, de manière à être juste, tout en justifiant celui qui a la foi en Jésus " (Rom. 3:26).

Du fait que l'Islam nie la doctrine de l'expiation et minimise le caractère abominable du péché, il n'est pas surprenant que la justice de Dieu n'y trouve plus de place prééminente. Au contraire, elle s'y présente déformée sous les traits de la faiblesse divine.

Dans l'Islam, la loi de Dieu n'est pas l'expression de sa nature morale, mais de sa volonté arbitraire. Sa parole peut être abrogée. Ses commandements sont sujets à des changements et à des améliorations. Un témoignage est rendu à ce fait par les musulmans eux-mêmes dans leurs tentatives de prouver que tous les prophètes étaient impeccables et que leurs transgressions de n’ont jamais été des péchés, mais la permission de commettre de légères fautes, ou encore des fautes dues à l'oubli!

Une totale absence d'harmonie caractérise les attributs divins. Raymond Lull, le premier missionnaire chrétien parmi les musulmans, l'avait déjà signalé: " Tout homme avisé devrait reconnaitre que, pour se prouver comme la religion véritable, il ne suffit pas d'attribuer à l'Etre suprême la plus grande perfection, mais encore de l'affirmer en établissant l'harmonie propre entre ses divers attributs. " L’Islam est une religion imparfaite du fait qu’à sa connaissance manquent deux principes actifs; si elle admet la volonté et la sagesse, elle ignore la bonté et l'amour divins, parce que ces qualités-là sont conçues comme une indolence non-opérante et non-active. On ne reprochera pas à la foi chrétienne un tel défaut. Dans sa doctrine de la Trinité, elle accorde la conception la plus élevée de la divinité comme Père, Fils et Saint-Esprit, trois personnes d'une même essence. Dans l'incarnation du Fils s'établit et se reconnaît l'harmonie entre la bonté de Dieu et sa grandeur. En la personne du Christ se voit l'union véritable du Créateur et de la créature. Sa passion révèle l'harmonie divine entre l'infinie bonté et sa condescendance.

Cette constatation est aussi vraie actuellement qu’elle le fut il y a plus de dix-sept siècles. Dans la théologie islamique, la bonté, la miséricorde et la vérité ne peuvent se rencontrer, la justice et la paix ne s'embrassent pas. La seule manière où Allah peut pardonner à un pécheur est celle d'abroger sa loi ou de passer outre la coulpe sans lui infliger de châtiment. Il n’y a pas de substitut ni de médiateur, donc point d'expiation. Aussi, la loi de la lettre, avec toute sa terreur et l'enfer physique cherchant sans cesse à s'alimenter de victimes, ouvre une perspective qui terrorise littéralement le musulman et le réduit à un état d'esclavage religieux permanent. Dans la religion biblique, la loi n’est pas abolie, mais accomplie en Christ. Le Christ a effacé les ordonnances qui étaient contre nous. La croix est le chaînon manquant de la religion musulmane. Sans la doctrine de la croix, il n'existe aucune unité possible entre la doctrine de l'Etre de Dieu et ses attributs divins. Or, la clé du mystère de la divinité se trouve simplement en la rédemption qui ouvre tous les autres mystères de la théologie.

Nous devons faire un pas de plus. Non seulement l'idée musulmane de Dieu manque dans ces quatre idées importantes et essentielles de la théologie chrétienne, mais son insuffisance est évidente dans ses résultats. l’influence d'un tel enseignement relatif à Dieu et de sa relation avec le monde est évidente partout dans les pays musulmans. L’actuelle condition intellectuelle, sociale et morale de ces pays est due soit au pouvoir que leur religion y exerce, soit à son impotence. Selon Zwemer, ceci est très accentué notamment en Arabie (où il fut pendant très longtemps missionnaire), pays qui n’y a point de contact avec la foi chrétienne, même pas avec une forme dégénérée de celle-ci. En général, on peut parler d'un état moral lamentable; esclavage, traite d'êtres humains, concubinage, polygamie, divorce en sont des pratiques courantes. La conscience morale semble entièrement pétrifiée, le légalisme est la forme absolue du culte et toute vertu reconnue doit être la réplique de celle du Prophète. Intellectuellement, en Arabie, il existe peu de progrès, écrivait Zwemer il y a un demi siècle, et on ne le contredira pas aujourd'hui, sauf que les pétrodollars y affluent autant que le flot de l'or noir. Les bédouins sont des illettrés. Le fatalisme a barré le chemin à tout progrès. L’injustice est acceptée stoïquement. Nul ne porte le fardeau d'autrui, l'esprit public fait tragiquement défaut, la tricherie et le meurtre conduisent vers des mini-trônes, la cruauté est monnaie courante, le mensonge a atteint un raffinement extraordinaire, le vol est hissé au degré d'une science perfectionnée. Si la religion islamique avait pu compter des éléments de salut et de progrès pour ses dévots, l'Arabie aurait assurément témoigné de tout autres résultats.

Un courant ne peut monter plus haut que sa source. L’Islam n'a pas de conception éthique élevée ni de concept de sainteté comme c'est le cas dans la foi chrétienne. La vie du Prophète passe pour être le modèle éthique suprême de tout croyant. Erre aussi bon que lui est en conséquence l'idéal de tout véritable musulman.

Le Christ, quant à lui, est monté à un degré insurpassable. " Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait ", déclare-t-il. De son côté, l'apôtre Paul exhorte et encourage à l'imitation même de Dieu. Mais on ne peut imiter Allah, il n'a pas d'enfants, il est unique, rien ne lui est semblable.

La foi en la Trinité est par conséquent capitale pour l'éthique. Un soi-disant monothéisme dégénérera immanquablement en panthéisme s'il n'est pas trinitaire, que ce soit chez les juifs, chez les musulmans, voire chez des chrétiens.

Il est évident que notre étude de la doctrine musulmane de Dieu chercha à montrer que celle-ci est entièrement stérile. Elle n'as pas connu de croissance et, au cours de l'histoire, elle n’a porté aucun fruit pour élaborer de nouvelles idées. La doctrine chrétienne, elle, en commençant avec l'Ancien Testament qui révèle l'Eternel, a été interprétée dans sa complétude par l'incarnation, développée en doctrine par l'enseignement apostolique, sous l'inspiration du Saint-Esprit et, enfin, systématisée lors des conflits avec les hérésies et les philosophies adverses. A ce jour, elle est toujours et encore un concept qui fait croître des idées fertiles.

L’Islam est fier d'écrire sur sa bannière l'unité de Dieu, mais on constatera sans délai que ce dieu-là est le dieu inconnu! La foi chrétienne, elle, pénètre tous les continents sous la bannière de la Trinité du Dieu révélé. Ces deux bannières-là sont portées par deux armées différentes. Elles ne sauraient coexister pacifiquement. Aucun parlement des religions universelles ne réconciliera une divergence aussi fondamentalement radicale, aussi irréductible. Nous devons ou bien aller à l'assaut et remporter la victoire, ou bien nous laisser écraser et anéantir. Dès son origine et dans ses premiers brefs articles, l'Islam apparaît comme un système religieux totalement anti-chrétien. Ceci ne signifie pas que notre mission auprès d'eux est sans espoir. La révélation de la Trinité biblique est supérieure au monothéisme musulman, comme le Christ est supérieur à Muhammad. Il n’y a point de Dieu que celui qui se révèle dans l'incarnation de Jésus-Christ et dont l'Ecriture Sainte, la Bible chrétienne, rend témoignage.

C’est lui que nous ferons connaître au musulman. Si le monde islamique pouvait reconnaître la paternité divine, il reconnaîtrait aussitôt la fraternité humaine. Quelle actualité et quelle pertinence qu'une telle proclamation pour la vie à la fois sociale, politique et internationale.

9. LA FOI EN DES ÊTRES ANGÉLIQUES

La foi musulmane reconnaît la création par Dieu d'anges qui, êtres spirituels, sont hors d'atteinte du péché. Leurs fonctions sont subalternes: messagers, gardiens, chargés du paradis ou du feu. Ils prennent aussi note des actions des hommes, veillent sur leurs intérêts, interrogent le défunt dans son tombeau. Ils sont mortels comme les hommes, mais ressusciteront le dernier jour. A l'époque du paganisme, les Arabes croyaient que les anges étaient les filles d'Allah, erreur qui fut violemment combattue par le Coran. L'Islam admet différents rangs angéliques, quatre ou huit portant le trône de Dieu. Les anges louent sans cesse Dieu et accomplissent sa volonté. Plusieurs milliers d'anges auraient aidé les musulmans durant la bataille de Badr en leur assurant la victoire. A la mort des fidèles, ils veillent sur l'âme des croyants et ils causent la mort du pécheur. Dix-neuf d'entre eux sont chargés de la garde de l'enfer. Deux anges noirs féroces visitent dans les tombes les cadavres des morts aussitôt après leur ensevelissement pour les interroger: " Qui est le Seigneur? Quelle est ta religion? Qui est le Prophète? " La perspective de cette interrogation emplit de terreur tout mourant musulman.

Les traditions musulmanes mentionnent les quatre archanges que sont Gabriel, Michael, Israïl, l'ange de la mort et Israfil qui, le dernier jour, sonnera la trompette pour réveiller les morts., Gabriel est le messager principal de Dieu et, dans le Coran, il est présenté comme le Saint-Esprit et comme l'illustre messager doté d'une grande puissance. Etant donné que Dieu est trop exalté pour qu’on puisse s'adresser directement à lui, c'est par l'intermédiaire de Gabriel qu'il aurait transmit au Prophète son message. Ce fut encore Gabriel qui apparut à la vierge Marie pour lui annoncer qu'elle donnera le jour à un fils (Coran sourate 19:17).

Son nom revient plusieurs fois dans le Coran; lorsque Dieu crée Adam, il donne l'ordre à ses anges de l'adorer. Tous s'y seraient soumis, sauf Iblis (le diabolos, Satan), qui aurait dit: " Il a été fait à partir du limon de la terre, tandis que moi, je suis de feu! je lui suis supérieur, pourquoi l'adorerais-je? " Alors Dieu aurait maudit Iblis pour son insubordination en le chassant du paradis, ce qui explique pourquoi il est devenu le pire ennemi des humains. Il est le chef des armées démoniaques, des "djinns".

10. L’ESCHATOLOGIE DE L’ISLAM

Rappelons-nous que l'affirmation principale de Muhammad est l'unicité de Dieu. L'on comprend donc qu’après l'unicité de Dieu, le jugement dernier soit le thème essentiel de sa prédication. Après la faute commise en Eden, Dieu dit: " Descendez... sur la terre... Là, vous vivrez et vous mourrez et de là vous serez retirés. " Si l'homme veut retrouver le bonheur, il doit emprunter et parcourir " la voie de Dieu ". Celui-ci, par le jugement final, séparera ceux qui ont suivi cette voie de ceux qui s'en sont détournés. Muhammad décrit le jugement dernier de manière apocalyptique, sans en fixer la date. L'événement se produira de façon brusque.

Dieu ressuscitera les hommes et les rassemblera: tous leurs actes auront été enregistrés; les croyants seront à sa droite et les impies à sa gauche; Muhammad sera présent en tant que le Prophète de Dieu: il témoignera contre les infidèles, mais les anges pourront intercéder pour les croyants.

Le paradis est un jardin superbe où se déroule un éternel banquet. Les élus y jouissent de houris, jeunes vierges d'une grande beauté. Pour l'espace entre l'enfer et le paradis, Muhammad use d'un terme obscur, " a’râf ", que l'on traduit par " crinière, crête, frange d'un vêtement ", cette dernière acception rappelant les limbes du catholicisme romain. De toute façon, ce passage exprime l'idée que certains hommes, entre le paradis et l'enfer, attendent le jugement de Dieu, sans souffrir d'autre punition qu’une vision béatifique incomplète. Muhammad a rejeté la croyance d'un châtiment temporaire par le feu, héritée plus ou moins du judaïsme qu’il avait connu. En l'absence d'un purgatoire, pour Muhammad, l'âme humaine dort inconsciente entre la mort et le jugement dernier. Il ne semble pas être trop sensible à la grâce, tellement centrale à la pensée du Nouveau Testament. Selon le Coran, la finalité essentielle de l'homme est de croire en Dieu, de l'adorer, d'accomplir sa volonté. Dieu donne la foi seulement à qui il veut.

L’un des principaux thèmes de la proclamation primitive du Prophète fut la résurrection des morts. A une date connue seulement de Dieu, une horrible calamité naturelle s'abattra, la terre sera ébranlée de fond en comble. Ensuite l'ange Israfil sonnera la trompette et les cieux et la terre disparaîtront; ceux qui se trouvent sur la terre et dans les cieux mourront. La trompette sonnera de nouveau et les morts ressusciteront pour la vie, et les hommes comme les " djinns " seront convoqués pour rendre compte de leurs actes. Les actes de chacun seront pesés dans la balance de Dieu, et le procès-verbal en sera placé dans la main droite des bénis et dans la main gauche des maudits. Le pont Sirat, extrêmement étroit et long, sera aisément traversé par les véritables croyants, tandis que les iniques échoueront en enfer.

Les croyants, hommes ou femmes, qui ont craint Dieu et ont été humbles et charitables, qui ont souffert pour l'amour de Dieu, seront les bienvenus au paradis. Ils vivront pour toujours auprès de fleuves riants, se couchant sur des coussins, louant Dieu, jouissant d'une nourriture céleste et s'abreuvant en compagnie des croyants et des houris aux yeux noirs. Les non-croyants et les adorateurs d'autres dieux seront pour toujours livrés au feu de l'enfer, nourris d'eau bouillante. Certains interprètent ces descriptions de manière spirituelle, mais la majorité les admet dans leur sens littéral. Il semble que les martyrs des batailles pour l'Islam, seront les premiers à entrer au paradis. Tous les autres croyants doivent attendre le jour de la résurrection. Nul ne sait avec certitude jusqu’à ce jour-là s'il est destiné au paradis ou bien s'il échouera dans les tourments de l'enfer.

Celui-ci possède sept divisions, dont chacune correspond à telle ou telle terreur réservée aux infidèles qui seront classés selon leur position sur la terre: le " jahannum " est le purgatoire du musulman; le " laza " flamboie pour dévorer le chrétien; le " el hatumah " est chauffé pour consumer le juif ; le " sa’eer " dévore les sabéens; le " sacar " écorche les mages; le " el jahim " est la vaste fournaise dans laquelle brûlent les idolâtres; le " hawiyah " est l'abîme sans fond qui fulmine et anéantit les hypocrites.

La doctrine musulmane de l'enfer est en parfait accord avec une croyance rude et insensible à la prédestination et dénote le manque de sensibilité spirituelle du Prophète arabe. L’enfer sera rempli jusqu'au bout, c'est la raison pour laquelle Dieu a aussi créé les infidèles. De toutes les religions de l'humanité, la religion islamique est la plus sévère, pour ne pas dire la plus inhumaine, dans sa conception des tourments infernaux. C'est une conception brutale, cruelle et barbare au plus haut degré. L’ensemble des images présentées dans le Coran, et que commente la tradition, est absolument révoltante. Le terme de " jahannun " y apparaît trente fois; le terme qui désigne le feu, davantage encore, et on recense six autres termes pour décrire le lieu du tourment. On ne peut lire les traditions qui prêtent à Muhammad des propos à ce sujet sans ressentir combien le credo musulman est sans coeur et totalement dépourvu d'amour. C'est en harmonie avec une telle idée de Dieu, lui aussi dépourvu d'amour, que le musulman croit en la doctrine fataliste de la prédestination.