J'ai retrouvé ma dignité d'Arabe...

Après sa conversion, Jamal a dû en découdre avec sa religion et son identité. Aujourd'hui, il est pleinement réconcilié avec ses racines.

"J'ai atterri en Suisse un peu par hasard, enfin, pour autant qu'on croie au hasard", raconte Jamal. Tunisien d'origine, il effectue alors des études de pharmacie dans une université irakienne, qui offre à ses étudiants l'opportunité de voyager à l'étranger pendant les vacances. C'est en 1976, à l'âge de 24 ans, qu'il arrive en Suisse dans l'idée de travailler pendant deux mois. Un peu perdu, il se lie d'amitié avec Philippe, un garçon fragile. "Il m'a raconté son histoire, la drogue, la dépression et comment une famille chrétienne à Aarau en Suisse alémanique, l'avait aidé à s'en sortir. Ne sachant pas où loger, Philippe m'a proposé de contacter cette famille pour voir si elle pouvait m'aider."

Musulman peu pratiquant, Jamal ne voit pas d'inconvénient à cohabiter avec des chrétiens. La famille d'Aarau l'accueille à bras ouverts. "Ils m'ont témoigné une confiance absolue, m'ont aidé à trouver du travail. Parfois, je les accompagnais à l'Eglise pour leur faire plaisir. J'allais aussi au groupe de jeunes, mais le soir je préférais, aller danser en boîte". Jamal sent qu'il se laisse petit à petit imprégner par la vie chrétienne, mais se refuse à l'admettre. De non pratiquant, il se transforme en fier défenseur de l'islam. Il lutte, mais il réalise bientôt que son combat est déjà perdu. "Deux jours avant de repartir, pendant la nuit, j'ai dressé un bilan de ma vie. J'ai réalisé que je n'avais rien fait dont je pouvais être fier. Un profond sentiment de dégoût m'habitait. C'est alors que j'ai demandé pardon à Dieu. J'ai compris qu'il voulait m'offrir son amour, une nouvelle identité et ce, depuis le début. Là j'ai su que je m'étais converti."

La conversion, cet état de total bouleversement intérieur, Jamal l'expérimente très fortement. Il finit par s'établir en Suisse, et y épouse Maria, une chrétienne. "A cette époque, j'avais le sentiment très fort que Dieu m'avait pourvu d'une nouvelle identité. Je ne voulais plus être arabe", dit-il. Le changement est radical, et même, poussé à l'extrême. Jamal se met à rejeter tout ce qui a trait à sa culture et choisit de faire le deuil de tout ce qui lui avait permis de se développer, de grandir en tant qu'Arabe et musulman. "A mon baptême, j'ai choisi un nouveau prénom, Philippe". Il refuse également d'enseigner sa langue maternelle à ses enfants. "Je rejetais tout en bloc. J'avais honte des Arabes chaque fois que je lisais dans la presse un fait divers qui mettait en cause l'un d'entre eux. J'ai ressenti du mépris pour ce peuple dont je considérais ne plus faire partie. J'ai donc fait le vide autour de moi. Mes relations étaient très centrées sur l'Eglise. Là, j'existais en tant que Philippe et non plus en tant que Jamal. En fin de compte, je ne savais plus qui j'étais."

Ce n'est que depuis ce printemps que Jamal se sait réconcilié avec son identité, celle de son peuple. L'Eglise évangélique à laquelle il appartient entretient des relations avec une Eglise évangélique en Jordanie. C'est à l'occasion d'un voyage à Amman et à Bagdad que le déclic s'est produit. "J'avais mis tous les Arabes, y compris les chrétiens, dans le même panier que les musulmans, persuadés que leur manière de croire était différente de la mienne. J'ai soudain été touché par la gentillesse des Irakiens, et choqué par l'état de misère du pays. Pour la première fois de ma vie, j'ai mis les pieds dans une Eglise arabe arménienne. J'ai pleuré, car j'ai soudain compris qu'ils aimaient le même Dieu que moi. Et que Jésus, en m'acceptant, ne m'avait pas demandé de renoncer à toute mon identité. Il m'aime tel quel, y compris arabe. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai ressenti un amour véritable pour les Arabes et me suis senti fier d'appartenir à ce peuple. J'ai demandé pardon pour toutes mes erreurs passées", raconte Jamal.

Réconcilié dans son identité d'Arabe chrétien, il consacre une partie de son temps au CABES, une organisation qui crée des contacts avec les étrangers de Suisse et leur parle de la foi chrétienne. "Mon amour pour les musulmans s'est étendu à d'autres peuples qui ont tout autant besoin de Jésus."

Paru dans L'Avènement No. 157, Septembre 2001. Reproduction interdite. Tous droits réservés pour tous pays.